Avec quels yeux regardons-nous le monde et nos compagnons de route dans l’aventure de la vie ? C’est une question d’une importance capitale, à une époque comme la nôtre marquée par la polarisation et les désaccords, par la solitude et les distances entre les possédants et les démunis. Sans parler de la présence de plus en plus répandue de l’intelligence artificielle. Et pourtant, la soif d’harmonie et de vérité grandit en même temps.
Chiara Lubich disait que tout dépend de l'”œil” avec lequel nous regardons les gens. Si nous voyons avec l’œil du cœur, qui est l’œil de l’Amour, nous ne nous arrêterons pas aux apparences, nous saisirons plutôt la réalité plus profonde qui est cachée dans chaque être humain. Et du regard du cœur procède l’action, la qualité de la relation, le fait de se rendre proches de l’autre.
En 1961, Chiara écrit :
Si tu pénètres dans l’Évangile […] tu te trouves d’un seul coup comme sur la crête d’une montagne. Déjà en altitude donc, déjà en Dieu, même si, quand tu regardes autour de toi, tu t’aperçois que la montagne fait partie d’une chaîne de montagnes et que la vie, pour toi, signifie progresser le long de la crête, jusqu’au bout.
Chaque parole de Dieu est le minimum et le maximum qu’il te demande. Ainsi quand tu lis : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mt 22, 39) », tu as la mesure maximale de la loi de l’amour fraternel.
Le prochain est un autre toi-même et, comme tel, tu dois l’aimer. S’il pleure, tu pleureras avec lui et s’il rit, avec lui tu riras ; s’il ne sait pas, tu te feras ignorant avec lui et, s’il a perdu son père, tu t’identifieras à sa souffrance. […]
Car ce qui compte pour toi c’est Dieu qui est votre Père à tous les deux. Et ne cherche pas d’excuses à l’amour. Le prochain est quiconque passe près de toi, riche ou pauvre, beau ou laid, ignorant ou savant, saint ou pécheur, compatriote ou étranger, prêtre ou laïc, qui que ce soit.
Essaie d’aimer celui qui est proche de toi dans l’instant présent de ta vie, et tu découvriras en toi des forces nouvelles, insoupçonnées. Elles donneront de la saveur à ta vie et répondront à tes mille questions.
Chiara Lubich
Voir la vidéo
Cfr. Vicinanza, lo stile di Dio nella vita e nel pensiero di Chiara Lubich, A cura di Povilus J. e Ciccarelli L., Città Nuova Editrice, Roma, p. 5.
Pensées 1961, in Ecrits SpirituelsScritti /1, 1978, p.117
Chiara Lubich, fondatrice du mouvement des Focolari, a parlé à plusieurs reprises dans ses discours de la proximité comme de la façon dont Dieu se fait proche de l’humanité. Comme nous pouvons déjà le lire dans le titre de ce livre, la « proximité » est le style de Dieu, que Jésus nous a révélé par sa vie. C’est aussi la manière d’apporter Dieu aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui. Pour en savoir plus sur le contenu du livre, nous avons interrogé les auteurs : Judith Povilus et Lida Ciccarelli.
Lida, Judith : de quoi parle le livre ?
Lida : « Il s’agit d’un recueil de réflexions de Chiara Lubich sur le thème de l’amour envers les frères et sœurs dans une perspective de proximité. C’est un sujet très cher au pape François, qui nous a exhortés à plusieurs reprises à prendre soin du monde qui nous entoure, à être proches de nos frères et sœurs selon le style de Dieu : la proximité, précisément.
Judith « Pour l’édition anglaise, nous nous sommes demandés comment traduire le titre. Et la solution répond un peu à ta question : Learning closeness from God , apprendre de Dieu comment il s’est fait proche de nous pour apprendre à être proche à notre tour de ceux qui sont à nos côtés ».
Judith Povilus, docteur en théologie fondamentale, est professeur émérite de logique et de fondements des mathématiques à l’Institut universitaire Sophia (Loppiano, Florence). Elle est l’auteur de : La présence de Jésus parmi les siens dans la théologie d’aujourd’hui (1977) ; Jésus au milieu de la pensée de Chiara Lubich (1981) ; Nombres et lumière. Sur la signification sapientielle des mathématiques (2013) ; co-éditeur de L’unité. Un regard du Paradis ‘49 de Chiara Lubich (2021). (2021).
Comment apporter Dieu à notre époque où il y a tant de solitude, d’indifférence, de guerres et de divisions ?
Lida: « Si nous regardons autour de nous, il y a des raisons d’être pessimistes, mais en tant que chrétiens, nous sommes appelés à toujours témoigner de l’amour de Dieu. Pour moi, la voie à suivre est celle de Jésus : la société de l’époque n’était pas meilleure que celle d’aujourd’hui, mais Jésus a toujours donné la vie du ciel. Mettons donc aussi de l’amour là où il n’y en a pas, là où il y a de la solitude soyons des compagnons, là où il y a de la division soyons des instruments de réconciliation et d’unité ».
Qui est le « prochain » à qui apporter Dieu ?
Judith : « L’encyclique ‘Tous frères’ reprend la parabole du bon Samaritain où le scribe demande à Jésus : qui est mon prochain ? Jésus retourne la question et précise que tout le monde est candidat à être mon prochain. Il n’y a pas de limites, cela dépend de moi de me faire le prochain des autres. Être le prochain est un acte performatif. Ta question est très belle : trouver Dieu est ce à quoi tout être humain en grande partie, aspire le plus, même s’il n’en est pas conscient. Laissons donc Dieu vivre en nous, et laissons-le toucher les cœurs par notre amour ».
Il arrive souvent que la diversité culturelle, sociale et politique entraîne une fragmentation et une polarisation. Et la peur de l’autre augmente. Chiara Lubich, avec son idéal d’unité, va à l’encontre de ce phénomène.
Lida : « C’est vrai, Chiara va à l’encontre de cette tendance. Elle a imprimé en nous une idée simple mais révolutionnaire : nous sommes tous frères parce que nous sommes les enfants du Père qui est aux cieux. Une idée simple, certes, mais qui nous libère et fait tomber le mur des divisions. Si nous la mettons en pratique, elle change notre vie. L’autre, quel qu’il soit, jeune ou vieux, qui a les mêmes idées ou pas, riche ou pauvre, étranger ou du même pays que moi, doit être regardé avec des yeux nouveaux : tous sont enfants du Père et tous, mais vraiment tous, sont aimés par le Père comme moi je le suis ».
Lida Ceccarelli, diplômée en philosophie et en théologie morale, enseigne l’histoire de l’Église et la théologie spirituelle à l’Institut international Mystici Corporis (Loppiano-Italie). Ancien membre de la Commission pour la spiritualité du Secrétariat général du Synode, elle est postulatrice au Dicastère pour les causes des saints.
La proximité est un concept central tant dans les Eglises chrétiennes que dans les différentes traditions religieuses. Est-ce donc la voie de la fraternité universelle ?
Lida : « C’est exactement ce que nous avons vécu ces jours-ci avec un groupe de jeunes musulmans chiites, étudiants du Dr Mohammad Ali Shomali, directeur de l’Institut international d’études islamiques de Qum en Iran. Ces étudiants sont venus à l’Université Sophia, dans la cité-pilote de Loppiano, pour un bref cours sur le christianisme. Nous n’avons pas tellement parlé de fraternité mais nous l’avons vécue ».
Judith « J’ai aussi pu donner plusieurs conférences sur la spiritualité de l’unité. En parlant de Dieu-Amour, j’ai raconté la parabole du fils prodigue. Je leur ai dit : « Peut-être parmi vous y a-t-il des pères qui comprennent la profondeur de cet amour ‘assaisonné’ de miséricorde » ? Sept d’entre eux étaient de jeunes pères de famille. Pendant une pause, ils m’ont montré, avec joie et émotion, des photos de leurs enfants. Dans cette ambiance, leurs questions spontanées sur la spiritualité ont permis d’approfondir le charisme de l’unité. Avec joie, des points communs ont été découverts ou des vérités du christianisme non comprises auparavant ont été clarifiées. Je me suis rendu compte que la proximité, avec toutes les nuances humaines et l’intérêt de partager la vie de son prochain, est précisément la manière de partager le don du charisme qui est pour tous, également pour les non-chrétiens, et d’être ensemble les bâtisseurs d’un monde plus fraternel ».
Quels conseils donner au lecteur ? Quel doit être le « regard » porté sur l’autre ?
Lida : « Peut-être que si le lecteur est déjà familier avec les écrits de Chiara, je lui suggérerais de les aborder comme si c’était la première fois. Et de s’arrêter dès que l’on est frappé par quelque chose pour écouter la Sagesse qui se tient à la porte et frappe à notre cœur ».
Judith : « Oui, en effet, les écrits de Chiara dans la partie anthologique sont d’une grande profondeur, de nature et de contenu variés. On ne peut pas tout lire d’un seul coup. Personnellement, chaque fois que je médite sur l’un ou l’autre de ces écrits, je découvre de nouvelles idées ou de nouveaux pas à faire ».
Lida : « Alors, pour conclure, quel regard devons-nous porter sur l’autre, sur notre prochain ? Celui de Jésus avec le jeune homme riche : « le regardant, il l’aima ». Quel était son regard ? Un regard aimant et gratuit qui entre en toi et qui te dit : tu es important pour moi, je t’aime tel que tu es ».
Le 24 janvier 1944, Chiara Lubich découvrait ce qui aller devenir un élément clé de la spiritualité de l’unité : Jésus qui, sur la croix, fait l’expérience de l’abandon du Père, expression maximale de douleur, expression suprême d’amour.
Et Jésus abandonné a été un point fort d’un moment du Genfest 2024, le rendez-vous international des jeunes des Focolari. Nous vous en proposons quelques extraits.
Les images dramatiques des incendies qui ont ravagé une immense zone, détruisant tout, des animaux à la végétation, font le tour du monde depuis plusieurs jours. Des milliers de maisons sont en cendres et, à l’heure actuelle, 25 personnes sont mortes. De nombreuses familles ont tout perdu et 26 personnes sont toujours portées disparues. Il est déchirant de voir encore aujourd’hui ces images de souffrance. Et l’urgence n’est pas encore terminée. Nous avons contacté la communauté des Focolari de la région pour savoir comment elle vit cette situation.
« Les incendies qui sévissent dans différentes parties de notre territoire nous inquiètent beaucoup, car nous ne parvenons pas à éteindre complètement les foyers d’incendie à cause des vents violents. On prévoit qu’ils dureront encore plusieurs jours », écrit Carlos Santos du focolare de Los Angeles. De nombreuses personnes ont été déplacées et beaucoup ont tout perdu. Mais nous constatons également que de nombreuses personnes ont apporté de la nourriture, des vêtements, de l’argent et d’autres dons pour les personnes touchées par les incendies. La réponse de la charité a été si grande que, par l’intermédiaire de la télévision, des personnes ont demandé d’arrêter de faire des dons dans certaines régions parce qu’il n’y avait plus assez de place pour les déposer. Oui, la Providence est arrivée en surabondance.
L’incendie n’a pas atteint les maisons des membres de la communauté locale des Focolari. Mais certains ont dû déménager, parce qu’ils vivaient dans des zones à risque d’incendie.
Carlos poursuit : « Le focolare féminin a abrité une famille pendant trois jours jusqu’à ce que les autorités déclarent qu’elle pouvait retourner chez elle en toute sécurité. Notre focolare masculin s’est également rendu disponible pour accueillir des personnes en cas de besoin. Cela a permis à la communauté d’avoir l’esprit plus serein car plusieurs zones du comté de Los Angeles pouvaient faire l’objet d’un mandat d’évacuation au cas où le vent changerait de direction et déplacerait le feu vers cette zone. Certains focolarini et focolarines, par leur travail, ont été touchés par la souffrance de nombreuses personnes et de familles qui ont tout perdu. Nous voulons accompagner ces personnes, leur apporter du réconfort et les aider à trouver une solution stable et nous vous remercions pour les nombreux messages de proximité et les prières pour cette grande souffrance ».
Sur le site de Focolare Médias, l’organe de communication des Focolari en Amérique du Nord, vous pouvez lire l’article sur le « miracle du tabernacle » à l’église Corpus Christi de la communauté de Pacific Palisades en Californie.
Nous devons être convaincus que pour que la civilisation de l’amour devienne une réalité, il faut qu’un courant d’amour fasse irruption dans le monde et l’envahissent. Sans lui, toute chose reste du domaine du rêve, est déjà condamnée à mourir. […] L’amour. Enseigner à aimer. Mais seul celui qui a conscience d’être sincèrement aimé sait vraiment aimer. C’est là une constatation humaine, mais qui est tout aussi valable dans le domaine surnaturel. Savoir que nous sommes aimés. De qui ? De celui qui est l’Amour. Il faut ouvrir les yeux au plus grand nombre possible de nos frères pour qu’ils voient, pour qu’ils découvrent la chance qu’ils ont, souvent sans le savoir. Ils ne sont pas seuls sur cette terre. L’Amour existe. Ils ont un Père qui n’abandonne pas ses enfants à leur destin, mais qui veut les accompagner, les protéger, les aider. C’est un Père qui ne met pas des poids trop lourds sur les épaules d’autrui, mais qui est le premier à les porter. Dans notre cas : il ne laisse pas à la seule initiative des hommes le renouvellement de la société, mais il est le premier à s’en préoccuper. Il faut que les hommes le sachent et recourent à lui, conscients que rien ne lui est impossible. Croyons donc que nous sommes aimés de Dieu pour pouvoir nous lancer avec plus de foi dans l’aventure de l’amour et travailler avec lui à la Nouvelle Humanité. Puis mettons au centre de nos intérêts l’homme et partageons avec lui mésaventures et succès, biens spirituels et matériels. Et, pour bien aimer, ne considérons pas les difficultés, les erreurs et les souffrances du monde uniquement comme des maux sociaux auxquels porter remède, mais sachons y découvrir le visage du Christ qui ne craint pas de se cacher derrière toute misère humaine. C’est Lui le ressort qui déclenche les meilleures énergies de notre être – surtout en nous chrétiens -, en faveur de l’homme. Et puisque l’amour dont nous parlons n’est certes pas seulement philanthropie ni seulement amitié ni pure solidarité humaine, mais est surtout un don qui nous vient d’En Haut, mettons-nous dans les meilleures conditions et dispositions pour l’acquérir, pour nous nourrir et vivre de la Parole de Dieu. […] Et que chacun, dans son petit ou grand monde quotidien, en famille, au bureau, à l’usine, au syndicat, dans le vif des problèmes locaux et généraux, dans les institutions publiques de la ville ou de plus vastes dimensions, jusqu’à l’ONU, [que chacun] soit vraiment constructeur de paix, témoin de l’amour, facteur d’unité.
« Vous aspirez, vous travaillez en vue du monde uni (un monde de paix et de fraternité) .
Que faites-vous ? Des actions, qui peuvent sembler modestes et sans commune mesure, malgré votre intention droite, avec l’objectif que vous avez en vue. […] Il se peut que certains d’entre vous travaillent dans les organismes orientés au monde uni.
Mais je pense que, même si tout cela est utile, ce n’est pas ce genre de choses qui sont décisives en vue du monde uni.
Ce qui l’est c’est d’offrir au monde […], une âme. Cette âme, c’est l’amour. […]
Aujourd’hui, il faut que nous “soyons amour”, que nous soyons à l’unisson avec l’autre, que nous vivions l’autre, les autres, que nous visions l’unité sur toute la planète. […]
Construire donc des rapports d’unité, de solidarité qui ont leur racine dans l’amour.
Cet amour, vous devez le vivre en premier lieu entre vous.
C’est la condition pour l’étendre ensuite à de nombreux autres, […] parmi le peuple, parmi ceux qui président à sa destinée, dans les institutions, les organisations du monde, petites ou grandes… Partout. Ce n’est qu’ainsi que les intentions de ceux qui ont créé ces institutions atteindront leur visée ; et l’on travaillera efficacement pour un monde plus uni, (un monde de paix). »
Chiara Lubich
Cette pensée a été lue par Margaret Karram, présidente du mouvement des Focolari, lors de la Telereunion du 28 septembre 2024. Elle peut être consultée en cliquant ici.