Mouvement des Focolari

“Entraînés par l’Esprit”

Extrait du documentaire “ENTRAÎNES PAR L’ESPRIT, les Mouvements ecclésiaux printemps de l’Église”. http://vimeo.com/66253986 Produit à l’occasion de la Pentecôte 1998 ©Centro S. Chiara Audiovisivi Soc. Coop. a.r.l. Tous droits réservés.

Malgré leur ampleur, les deux bras de la colonnade du Bernin ne peuvent contenir l’immense foule des participants qui représentent 56 nouvelles communautés et mouvements d’Église. Mais on n’a là qu’un faible pourcentage des 80 millions de catholiques, laïcs pour la plupart, qui appartiennent à un mouvement.

Cette assemblée qui réunit tous les mouvements avec le Pape est une première. En ce chaud après-midi du 30 mai, la place semble transformée, selon une heureuse expression, en un immense jardin multicolore. C’est exact : ici, sur la place saint Pierre, les mouvements les plus variés, qui embellissent et animent l’Église de leurs charismes spécifiques et la rendent crédible, composaient une étonnante chorégraphie d’unité dans la diversité. Les témoignages de 4 fondateurs de mouvements, parmi les plus diffusés, Chiara Lubich, Kiko Arguello, Jean Vanier, Luigi Giussani, l’ont bien exprimé. Leurs charismes prennent leur source dans l’Esprit et conduisent tout à l’obéissance fidèle envers l’Église. Les diversités cependant ne manquent pas, signe que la vie chrétienne s’enracine dans la trinité de Dieu

«...Aux époques cruciales de la vie de l’Église on a toujours vu naître des charismes. Je pense par exemple au Concile de Trente. Je dirais qu’aujourd’hui l’Esprit Saint souffle dans une unique direction mais il suscite des harmonies différentes, parce que la vie de l’Église est comme une symphonie, un concerto où de nombreux instruments jouent la même partition, et où le chœur doit être composé de voix très nombreuses». (Mons. Piero Coda)

Une grande variété de charismes a donc donné naissance à de nombreux mouvements ecclésiaux soutenus et encouragés par le pape qui y voit la réponse providentielle de l’Esprit Saint aux défis de la fin du millénaire.

Dans son intervention, Jean-Paul II n’hésite pas à affirmer que ce qui se passe ce soir sur la place saint Pierre renouvelle l’événement de la Pentecôte d’il y a 2000 ans.

«L’Église a récemment été enrichie par le Consolateur d’une nouvelle Pentecôte : c’est le Concile Œcuménique Vatican II, qui a suscité un dynamisme nouveau et inattendu. Vous êtes la preuve tangible de l’«effusion» de l’Esprit». (Jean-Paul II)

Jean-Paul II, après avoir reconnu le cheminement des mouvements déclare qu’ils sont désormais en marche vers une nouvelle maturité ecclésiale qui consiste en une évangélisation commune capable de poser une alternative à la culture sécularisée qui présente un modèle de vie d’où Dieu est absent.

«C’est un don précieux pour la mission de toute l’Église. Le fondateur de l’Église n’a pas dit en vain “qu’ils soient un pour que le monde croie”.

La fécondité de la mission des mouvements sera accrue par le témoignage visible d’unité dans la diversité “pour que le monde croie”». (Gusmàn Carriquiri)

Donner un témoignage d’unité entre les mouvements dans la perspective d’une nouvelle évangélisation. Chiara s’est faite le porte-parole de cette exigence auprès du pape.

«Nous savons combien l’Église désire qu’une pleine communion se réalise entre les mouvements, qu’ils soient un, ce qui, d’ailleurs, est déjà en cours. Nous voudrions vous promettre, Sainteté, puisque notre charisme spécifique est l’unité, que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour contribuer à la réaliser pleinement». (Chiara Lubich)

L’engagement de Chiara coïncidait avec l’aspiration des responsables généraux des mouvements.

«…que quelque part il y a un moyen de dialogue, parce que ce qui est important c’est le dialogue. De la même façon qu’il faut cheminer avec le dialogue avec les personnes d’autres confessions ou interreligieux. Aucun mouvement est l’Église, nous sommes tous partie de quelque chose de beaucoup plus grand et il s’agit simplement pour chacun de trouver sa place et d’être avec d’autres».  (Jean Vanier)

«Si chacun comprenait combien son apport est précieux, son apport qui naît, je l’espère, j’en suis sûr, d’idées bien claires quant au but à atteindre, nous serions alors comme des cours d’eau qui s’unissent pour former la mer, nous pourrions pénétrer de façon plus incisive dans les domaines de la culture, de la science, de la promotion humaine, que trop souvent nous avons délégués à d’autres qui n’avaient pas la capacité de comprendre toutes les aspirations de l’homme et de le mettre en contact avec le Christ». (Salvatore Martinez)

 «(…) Il est nécessaire que l’amitié grandisse entre les mouvements. Qu’ils se connaissent, s’estiment, s’aiment. Bien entendu ce n’est pas une question de politique, d’alliances. Je m’attends à ce que l’entente grandisse entre les mouvements, mais je suis persuadé qu’elle grandira dans la mesure où les charismes s’engageront davantage dans l’évangélisation. En l’occurrence il ne s’agit pas de coordonner un travail, mais il s’agit d’une mentalité qui doit mûrir, qui doit pénétrer, d’une mentalité qui doit se greffer sur des histoires, des personnes et des mouvements différents». (Andrea Riccardi)

Cette attitude permettra de répondre aux attentes de l’Église et de réaliser ce que le pape a demandé à l’issue de la rencontre historique du 30 mai dernier.

«Aujourd’hui, sur cette place, le Christ répète à chacun d’entre vous : “Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création.” Il compte sur chacun de vous! » (Jean-Paul II)

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Extrait du documentaire “ENTRAÎNES PAR L’ESPRIT, les Mouvements ecclésiaux printemps de l’Église” produit à l’occasion de la Pentecôte 1998 ©Centro S. Chiara Audiovisivi Soc. Coop. a.r.l. Tous droits réservés.

Eucharistie et Nouveau Testament

Eucharistie et Nouveau Testament

ITALIEN

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O Jésus Eucharistie, quelle présomption, quelle audace de parler de toi qui, dans les églises du monde entier, connais les confidences secrètes, les problèmes cachés, les soupirs de millions d’hommes, les larmes de joie des conversions que tu es seul à connaître, cœur des cœurs, cœur de l’Église. Nous aurions voulu l’éviter pour rester en respect silencieux devant une marque d’amour si élevée. Cependant notre amour, qui veut chasser toute crainte, désire aller au-delà des apparences de la blanche hostie et du vin de la coupe dorée. Pardonne notre hardiesse ! Mais l’amour désire connaître pour aimer davantage. Nous ne voulons pas arriver au terme de notre chemin sur la terre sans avoir découvert, ne serait-ce qu’un peu, qui tu es. D’autre part nous, nous devons parler de l’Eucharistie, parce que nous sommes chrétiens et que, dans l’Église notre mère, nous vivons et portons l’Idéal de l’unité. Or, aucun mystère de la foi n’est autant en rapport avec l’unité que l’Eucharistie. L’Eucharistie introduit à l’unité et en révèle tout le contenu : c’est par elle, en effet, que se consomme l’unité des hommes avec Dieu et des hommes entre eux, l’unité de tout le cosmos avec son Créateur. Dieu s’est fait homme. C’est Jésus qui vient sur la terre. Il pouvait tout faire. Mais il était dans la logique de l’amour qu’après être passé de la Trinité à la vie terrestre, il n’y reste pas seulement pendant trente-trois ans, pourtant extraordinaire, de sa vie. Il devait trouver un moyen pour rester, et surtout pour être présent, sur tous les points de la terre et pendant tous les siècles, au moment culminant de son amour : sacrifice et gloire, mort et résurrection. Et il est resté. Dans son imagination divine, il inventa l’Eucharistie. C’est son amour qui va à l’extrême. Thérèse de Lisieux dirait : « O Jésus ! Laisse-moi dans l’excès de ma reconnaissance, laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie… »[1].             Institution de l’Eucharistie Mais, écoutons comment tout cela s’est passé. Matthieu, Marc, Luc et Paul en parlent. Luc dit : « Et quand ce fut l’heure, il se mit à table, et les apôtres avec lui. Et il leur dit : « J’ai tellement désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir car, je vous le déclare, jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le Royaume de Dieu ». « Puis il prit du pain et après avoir rendu grâces, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » « Et pour la coupe il fit de même après le repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous ». (Lc 22,14-10[2]). S’il n’était Dieu, je ne sais comment Jésus aurait pu exposer en si peu de paroles solennelles des réalités tellement nouvelles, tellement imprévisibles, tellement abyssales, qu’elles jettent dans l’extase parce qu’en face d’elles l’être humain ne résiste pas. Jésus tu es là, le seul à tout savoir, à être conscient que ton geste conclut des siècles d’attente, à voir les conséquences infinies de ce que tu es en train de faire pour réaliser le plan divin prévu par la Trinité depuis toujours. Ce plan qui, débutant sur la terre, introduit aussi dans l’horizon infini pénètre les abîmes à venir du Royaume. Si tu n’étais pas Dieu, je le répète, comment ferais-tu pour parler et agir ainsi ? Mais quelque chose pourtant transparaît des sentiments de ton cœur : “J’ai ardemment désiré”. On ressent là un immense bonheur ; “avant de souffrir” : et, là, on comprend l’union de la joie et de la croix, le lien de l’une avec l’autre parce que ce que tu allais faire, c’était ton testament, et un testament ne vaut qu’après la mort. Tu nous laissais un héritage incommensurable : toi-même. Pierre Julien Eymard écrit : “Jésus-Christ veut, lui aussi, avoir son mémorial, son chef-d’œuvre, qui l’immortalise dans le cœur des siens, qui redise sans cesse son amour pour l’homme. Il en sera l’inventeur, l’ouvrier ; il le consacrera comme son testament, et sa mort en sera la vie et la gloire… C’est la divine Eucharistie.”[3] Puis Jésus « rendit grâces ». Eucharistie signifie « action de grâces » et l’action de grâces par excellence était celle adressée au Père pour avoir aimé et sauvé l’humanité par les voies les plus extraordinaires. Prenant le pain et la coupe, il dit : « Ceci est mon Corps, donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi… Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous ». Voilà l’Eucharistie.  C’est le miracle. L’Eucharistie est – au dire de Thomas d’Aquin – le plus grand des miracles de Jésus-Christ.[4] En effet, comme dit Pierre Julien Eymard : «… il les surpasse tous par son objet, il les domine par la durée. C’est l’incarnation permanente, c’est le sacrifice perpétuel de Jésus-Christ ; c’est le buisson ardent qui brûle toujours sur l’autel ; c’est la manne, véritable pain de vie, qui descend tous les jours du ciel. »[5] Selon Ignace d’Antioche « ce sont des mystères retentissants que Dieu opère dans le silence ».[6] Et le Concile Vatican II affirme que : «… la Sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église, c’est-à-dire le Christ lui-même, lui notre Pâque, lui, le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée par l’Esprit-Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes. »[7]              De l’Ancien au Nouveau Testament Jésus célèbre sa Pâque comme un banquet. Dans chaque maison, l’heure du repas est celle de la plus grande intimité, de la fraternité, souvent de l’amitié et de la fête. Le banquet que Jésus préside est célébré comme la Pâque des Juifs et en tant que tel renferme en synthèse toute l’histoire du peuple d’Israël. Le dernier repas de Jésus est l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu. Les éléments de base de ce repas sont chargés de la signification qu’ils revêtent dans l’Ancien Testament. Le pain était considéré comme un don de Dieu, comme un moyen indispensable à la vie, le symbole de la communion, le souvenir de la manne. Le vin, appelé dans la Genèse “sang du raisin” (Gn 49,11)[8], était offert aussi dans les sacrifices (Ex 29,40) ; il était le symbole de la joie des futurs temps messianiques (Jr 31,12). La coupe était signe de participation à la joie et d’acceptation des afflictions. Elle était le souvenir de l’alliance avec Moïse (Ex 24,6). Et le pain et le vin étaient promis par la Sagesse à ses disciples (Pr 9,1-6). Comme un père de famille d’alors, Jésus, par ses gestes et sa prière de bénédiction, répète le rite judaïque. Mais dans ce banquet, par rapport à la Pâque juive, ressortent une immense différence et une nouveauté. La Cène de Jésus est célébrée dans le contexte de sa passion et de sa mort. Par l’Eucharistie, il anticipe symboliquement et réellement son sacrifice de rédemption. Il en est le prêtre, il en est la victime. Paul VI s’exprimait ainsi le Jeudi Saint 1966 : « Nous ne pouvons pas oublier que la Cène… était un rite commémoratif. C’était le repas pascal qui devait être célébré chaque année, pour transmettre aux générations futures le souvenir indélébile de la libération du peuple hébreu arraché à l’esclavage de l’Égypte… Jésus, ce soir, substitue le Nouveau Testament à l’Ancien : « Ceci est mon sang » – dira-t-il – du Nouveau Testament… » (Mt 26,28). À l’ancienne Pâque historique et figurative il lie et fait succéder sa Pâque. Elle est aussi historique mais elle est définitive, elle est figurative mais elle anticipe l’événement ultime : la Parousie… »[9] En effet, les paroles de Jésus : « Je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon Père » (Mt 26,29), qui ont été traduites par un exégète de renom, Pierre Benoît, comme un « rendez-vous au Paradis », donnent à l’Eucharistie le caractère d’un banquet qui aura sa pleine réalisation après notre résurrection. Mais pour Athanase nous pouvons dès maintenant participer à la communion avec le Christ ressuscité. Pour Athanase nous pouvons cependant participer dès ici-bas à la communion au Christ ressuscité. Au sujet de cette Pâque du Nouveau Testament, il écrit : «…nous participons, mes bien-aimés, non pas à une fête temporelle mais à la fête éternelle et céleste ; et nous ne la montrons pas en figures, mais la réalisons vraiment [10]. » En effet, nous ne mangeons plus la chair d’un agneau, mais « nous mangeons le Verbe du Père [11]… » Pour Athanase, encore, manger le pain et le vin devenus corps et sang du Christ, c’est célébrer la Pâque, c’est-à-dire la revivre : l’Eucharistie est en effet sacrement de communion au Christ pascal, au Christ mort et ressuscité, passé (pascha = passage), entré dans une nouvelle phase de son existence, la phase glorieuse à la droite du Père. Recevoir Jésus dans l’Eucharistie signifie donc participer déjà dès ici-bas à sa vie glorieuse, à sa communion au Père.[12]             Le pain de vie Jean, de son côté, a sa manière propre de parler du Christ, pain de vie. Il raconte dès le chapitre 6 de son évangile que Jésus, après avoir multiplié les pains et après avoir marché sur la mer, dans le grand discours tenu à Capharnaüm, dit entre autres choses : « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera » (Jn 6, 27) Peu après Jésus lui-même se présente comme le vrai pain descendu du ciel, qui doit être accepté dans la foi. « C’est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n’aura soif ». (Jn 6,35). Et il explique comment il pourra être pain de vie : « Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ». (Jn 6,51). Jésus se voit déjà pain. Tel est donc l’ultime motif de sa vie sur la terre. Être pain pour être mangé. Et être mangé pour nous communiquer sa vie. “Ce pain est celui qui descend du ciel, pour qu’on le mange et ne meure pas. Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais”. (Jn 6,50-51). Combien nos vues sont courtes par rapport à celles de Jésus ! Lui, l’infini qui vient de l’éternité, a protégé son peuple de toute sa puissance et par ses grâces. Il a édifié son Église et il s’achemine vers l’éternité où la vie ne finira pas. Quant à nous, nous nous limitons à voir le jour d’aujourd’hui, et peut-être le lendemain de notre brève existence, et nous nous inquiétons pour des bagatelles. Nous sommes aveugles au plus haut point. Oui, aveugles. Aveugles, nous aussi chrétiens. Peut-être vivons-nous notre foi, mais sans en avoir la pleine conscience. Nous comprenons Jésus en quelques-unes de ses paroles consolantes ou qui nous donnent une ligne d’action, mais nous ne voyons pas Jésus dans sa plénitude : “Au commencement était le Verbe”, puis il est là pour la création, il s’incarne, et, par l’intermédiaire de l’Esprit-Saint, il continue l’incarnation dans l’Eucharistie qui accompagne comme un viatique dans la vie et nous entraîne vers le Royaume avec lui, divinisés parce qu’il est présent en personne qui est dans son corps et dans son sang faits Eucharistie. Dans cette perspective, tout acquiert sa juste valeur, tout est projeté vers l’avenir, là où nous arriverons si, dès ici-bas nous cherchons à construire — dans la mesure du possible – la cité céleste, dans un engagement d’amour envers nos frères d’humanité semblable à celui de Jésus qui est passé par le monde en faisant du bien. Quelle aventure que la vie dans cet horizon ! Les pharisiens discutent et Jésus répond, explique et réaffirme, jusqu’à dire : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Et comme le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi ». (Jn 6,56-57). « Demeure en moi et moi en lui » : voilà l’unité consommée entre Jésus et celui qui se nourrit de lui, pain. Ainsi est transmise aux hommes la plénitude de la vie qui est en Jésus et qui vient du Père. Ainsi se réalise l’immanence de l’homme en Jésus. Albert le Grand écrit : Le Christ « nous a embrassés avec trop d’amour parce qu’il nous a unis à Lui jusqu’au point d’être en nous…, de pénétrer lui-même nos entrailles… L’amour divin produit une extase. Il est juste de dire cela car il met Dieu en nous et nous met en Dieu. Et le terme grec “extase” correspond justement au latin “translation”. Jésus dit en effet : “Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui (Jn 6,57). Il dit : “demeure en moi, c’est-à-dire : est porté hors de lui ; et : “je demeure en lui”, c’est-à-dire : je suis porté hors de moi… Voilà ce que peut accomplir sa charité… qui pénètre en nous et nous attire à lui, et non seulement nous attire mais nous entraîne tandis qu’il pénètre en nous jusqu’à la moelle. »[13] Dans ce merveilleux chapitre de l’évangile de Jean, Jésus affirme : “Et même, le pain que je donnerai, c’est ma chair pour que le monde ait la vie”. (Jn 6,51). Et encore : “Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour”. (Jn 6,54). «… pour que le monde ait la vie » : l’Eucharistie sert donc déjà dès ce monde à donner la vie. Mais qu’est-ce que la vie ? Jésus l’a dit : “Je suis la vie” (Jn 14,6). Ce pain nous nourrit de lui dès ici-bas. « Et moi, je le ressusciterai au dernier jour ». L’Eucharistie donne aussi la vie pour l’autre monde. Mais qu’est-ce que la résurrection ? Jésus l’a dit : “Je suis la résurrection” (Jn 11,25). Il vient commencer en nous sa vie immortelle, que la mort n’interrompt pas. Même si notre corps est corruptible, la vie, le Christ, demeure et dans l’âme et dans le corps, comme principe d’immortalité. Pour ceux qui raisonnent d’une manière humaine, la résurrection est vraiment un mystère. Nous pouvons, cependant, vivre de façon telle que le mystère devienne moins impénétrable. En voyant l’Évangile dans la perspective de l’unité et en le mettant en pratique, nous constatons, par exemple, que le commandement nouveau de Jésus, l’amour réciproque, entraîne une unité fraternelle qui dépasse tout l’amour humain, naturel. Or ce résultat, cette conquête, tient au fait que nous avons réalisé la volonté de Dieu. Jésus savait que, si nous répondons à ses dons immenses, nous n’aurions plus été ses « serviteurs », ou ses “amis”, mais ses “frères”, et frères entre nous, parce que nourris de sa vie même. Pour décrire cette famille surnaturelle, l’évangéliste Jean se sert d’une image suggestive : celle de la vigne et des sarments (Jn 15). La même sève et – pourrions-nous dire – le même sang, la même vie, c’est-à-dire le même amour (qui est l’amour avec lequel le Père aime le Fils) nous sont communiqués et circulent entre Jésus et nous. Nous devenons donc du même sang que le Christ, consanguins avec lui, et du même corps que le sien. C’est donc dans le sens le plus vrai et surnaturellement le plus profond que Jésus, après sa résurrection, appelle ses disciples “frères”. (Jn 20,17). Et l’auteur de la lettre aux Hébreux confirme que Jésus ressuscité “ne rougit pas de les appeler frères”. (He 2,11). Or, une fois construite cette famille du Royaume des Cieux, comment peut-on concevoir une mort qui tronque l’œuvre d’un Dieu avec toutes les conséquences douloureuses que cela comporte ? Non. Dieu ne pouvait pas nous mettre face à une telle absurdité. Il devait nous donner une réponse. Et il nous l’a donnée en nous révélant la vérité de la résurrection de la chair. Celle-ci n’apparaît plus au croyant un mystère de foi obscur mais une conséquence logique de la vie chrétienne ; conséquence porteuse d’une joie immense : celle de savoir que nous nous retrouverons tous avec ce Jésus qui nous a unis d’une telle manière. L’Eucharistie dans les Actes des Apôtres   La révélation sur l’Eucharistie se poursuit dans les Actes des Apôtres.             L’Église primitive est très fidèle à ce qu’elle a reçu et accomplit la phrase de Jésus : “Faites ceci en mémoire de moi”. On dit en effet de la première communauté de Jérusalem que : « ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ». (Ac 2,42). Et, au sujet de l’apôtre Paul : « Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain ; Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec eux. Il prolongea son discours jusqu’au milieu de la nuit… Puis… il… rompit le pain et mangea ; longtemps encore il parla, jusqu’au point du jour. C’est alors qu’il partit. » (Ac 20,7 et 11).             L’Eucharistie dans les lettres de Paul Dans sa première épître aux Corinthiens également, Paul montre sa foi ardente et sûre dans le corps du Christ, en écrivant : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas une communion au corps du Christ » (1 Co 10,16). Et il continue en décrivant l’effet que ce pain mystérieux opère en celui qui le reçoit : « Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps, car tous nous participons à cet unique pain » (1 Co 10,16). Un seul corps ! Voici le commentaire qu’en fait Jean Chrysostome : « Nous sommes son corps même. Qu’est-ce que le pain, en effet ? Le corps du Christ. Et que deviennent ceux qui y communient ? Le corps du Christ. Non pas plusieurs corps, mais un seul corps. En effet, comme le pain, fait de nombreux grains, est tellement uni que les grains ne se voient plus… de même nous sommes étroitement unis entre nous et avec le Christ. »[14] Jésus, tu as sur nous un grand dessein et tu le réalises au cours des siècles ; nous faire un avec toi pour que nous soyons là où tu es. Pour toi, venu de la Trinité sur la terre, la volonté du Père était que tu y retournes. Cependant tu n’as pas voulu y retourner seul, mais avec nous. Voici donc le long trajet : de la Trinité e la Trinité en passant par les mystères de vie et de mort, de souffrance et de gloire. Quelle merveille que l’Eucharistie soit aussi une « action de grâces ». Par elle seule nous pouvons t’exprimer notre reconnaissance comme il convient.                         Chiara Lubich


[1]          Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, Histoire d’une âme. Manuscrits autobiographiques, Manuscrit B (Lettre à Sœur Marie du Sacré-Cœur) ; Bar-le-Duc, 1973, p. 228.
[2]          Les citations de l’Écriture sont tirées de la Traduction œcuménique de la Bible.
[3]          Pierre-Julien Eymard, La Sainte Eucharistie. La Présence Réelle I. 1950, p. 87.
[4]          Cf. in Off. Festiv. Corp. Christi, Lectio VI, in finem.
[5]          Pierre-Julien Eymard, La Sainte Eucharistie. La Présence Réelle I. 1950, p. 155.
[6]          Ignace d’Antioche, Lettres, aux Ephésiens, XIX, I. Sources Chrétiennes n° 10 ; Macon, 1969, p. 75.
[7]          Presbyterorum Ordinis (Décret sur le ministère et la vie des prêtres) 5.
[8]          Pour ce passage cf. J. Castellano. Eucaristia in DES I, Roma 1975, p. 737.
[9]          Documents Pontificaux de Paul VI, Vol. v, 1966, St Maurice ; 1969, p. 231.
[10] Athanase, Ep. Fest. 4, 3 (PG 26,1377).
[11] Id.
[12] Cf. ibid. 4, 5 (PG. 26,1379).
[13]         Albert le Grand, De Euch., d. 1, c. 2, n. 7 (B. 38,200).
[14]         Jean Chrysostome in 1 Co. hom. 24, 2 (PG. 61,200).

Mai 2011

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée »

Jésus nous enseigne aussi une autre manière d’aimer le Seigneur notre Dieu. Pour lui, aimer voulait dire accomplir la volonté de son Père, en mettant son esprit, son cœur, ses énergies, sa vie même, à sa disposition. Il s’est complètement donné au projet que le Père avait sur lui. L’Évangile nous le montre toujours et totalement tourné vers le Père (cf. Jn 1,2 ; 1,18), toujours en lui, attentif à ne dire que ce qu’il avait entendu du Père, à n’accomplir que la seule volonté du Père. Dieu nous le demande à nous aussi.

Aimer signifie faire la volonté de l’Aimé, sans demi-mesure, de tout notre être : « de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre pensée ». Car l’amour n’est pas simplement un sentiment : « Et pourquoi m’appelez-vous “Seigneur, Seigneur” et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Lc 6, 46), demande Jésus à ceux qui n’aiment qu’en paroles.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée »

Comment vivre alors ce commandement de Jésus ? En entretenant avec Dieu un rapport filial et d’amitié, mais surtout en accomplissant sa volonté. Comme celle de Jésus, notre attitude envers Dieu sera de nous tourner toujours vers le Père, à son écoute, lui obéissant pour accomplir son œuvre et rien d’autre.

Il nous est demandé de l’accomplir de tout notre être, car, à Dieu, on ne peut pas donner moins que tout : tout notre cœur, toute notre âme, toute notre pensée. Cela veut dire bien faire, et complètement, cette action qu’il nous demande.

Pour vivre sa volonté et nous y conformer, il faudra souvent brûler la nôtre, sacrifiant tout ce qui, dans notre cœur et notre esprit, ne concerne pas le présent. Il peut s’agir d’une idée, d’un sentiment, d’une pensée, d’un désir, d’un souvenir, d’un objet, d’une personne…

Nous serons alors tout entiers à ce qui nous est demandé dans l’instant présent. Qu’il s’agisse de parler, de téléphoner, d’écouter, d’aider, d’étudier, de prier, de manger, de dormir, sans nous laisser distraire. Accomplir tout cela parfaitement, de tout notre cœur, notre âme, notre pensée ; avoir l’amour comme unique moteur de nos actions, au point de pouvoir dire, à chaque instant de la journée : « Oui, mon Dieu, en cet instant, en cette action, je t’ai aimé de tout mon cœur, de tout mon être ». C’est seulement ainsi que nous pourrons dire que nous aimons Dieu, en répondant à son Amour pour nous.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée »

Comment vivre cette Parole de vie ? Demandons-nous de temps en temps si Dieu est vraiment à la première place dans notre âme.

Et pour ce mois-ci ? Choisissons à nouveau Dieu comme unique idéal, comme le tout de notre vie, en le remettant à la première place, en vivant sa volonté à la perfection dans le moment présent. Nous devons pouvoir lui dire sincèrement : « Mon Dieu et mon tout », « Je t’aime », « Je suis tout à toi », « Tu es Dieu, tu es mon Dieu, notre Dieu qui nous aime infiniment ! »

Chiara LUBICH

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