Je suis né dans la région de Trente, au nord de l’Italie, il y a 67 ans. Pendant l’adolescence, mes seuls intérêts étaient la musique et le dessin. A cause des conflits incessants avec mes parents, j’abandonnai la maison et l’école. Guitare, cheveux longs, mon groupe de musique : cela devint mon monde. Avec quelques amis, nous avions formé une communauté où nous vivions , en jouant de la musique et en rêvant ensemble. Un lieu de passage où circulait le hashish. Je connus Anna, qui devint ma compagne, avec la joie et l’inconscience de nos vingt ans. Elle, occasionnellement, prenait aussi des drogues dures. Pour l’aider à arrêter, je fis un geste que j’allais amèrement regretter par après : j’essayai moi aussi. Ce fut le début d’une descente aux enfers qui jour après jour nous conduisit vers un abîme sans fond, dans un état de prostration tel que nous devions trouver des doses quotidiennes toujours plus fortes. Années de peur, d’euphorie alternée par des crises d’abstinence, hospitalisations, et continuelles rechutes. Jusqu’à la prison. Une fois la peine purgée, nous décidâmes de partir pour l’Inde, afin d’apprendre à jouer du Tabla, typique instrument à percussion. L’Inde nous apparut fascinante, au point de nous faire oublier l’Occident et son matérialisme, en réussissant à rester éloignés de toute drogue. Au retour cependant, l’impact fut très dur. L’Italie à cette époque, était paralysée par le terrorisme à caractère politique. Désorientés, nous trouvâmes réconfort entre les bras de l’héroïne qui nous aidait à ne plus penser. La spirale de la toxicomanie nous aspira d’une manière encore plus impitoyable. S’ensuivirent des années de dégradation physique et morale. Jusqu’à un carrefour drastique : la folie ou la mort. Je retournai en Inde pour me désintoxiquer. Mais j’y allai seul afin d’éviter de se conditionner l’un l’autre et de retomber dans le cercle vicieux. A nouveau de retour en Italie, j’acceptai, à contre- cœur d’aller chez un oncle en Toscane. Ce fut le tournant décisif. Chez lui, étrangement, je me sentais accepté et respecté, comme un membre de la famille. L’idée qui animait la vie de sa famille était que Dieu est Amour, qu’il aime chacun personnellement et sans conditions. Cette proposition commença à me fasciner moi aussi. Le premier mai 1982, avec mes cousins, nous allâmes à Loppiano, pour un meeting de jeunes du monde entier. Toujours plus convaincu de vouloir faire mienne cette vie, j’essayais d’être en contact étroit avec les habitants de la cité-pilote qui, je l’avais découvert, avaient mis l’Évangile à la base de leur vie. Je souhaitais communiquer à Anna ce qui m’était arrivé et j’allai la trouver à Trente. Sa réaction fut compréhensible mais dure, elle se sentait trahie. Après quelques mois, elle m’écrivit une lettre. Elle était en prison et voulait me voir. Je remerciai Dieu : quand on a touché le fond, on ne peut que remonter la pente. ‘’Fais de moi un instrument pour sa rédemption !’’, voilà ce que je priais. Chaque semaine, je me rendais chez elle pour parler avec elle. Sa peine purgée, après un an et demi , nous commençâmes ensemble une nouvelle vie, constamment aidés par notre nouvelle famille, les Focolari. L’idée de se marier à l’église mûrit en nous. La vie commença son cours, sereine et confiante, enrichie par la venue de deux filles. Anna se diplôma comme infirmière professionnelle. Mais justement au travail, après quelques temps, elle perdit la tête pour un collègue. Elle demanda la séparation. Après avoir lutté en vain pour éviter cette rupture, je trouvai un appartement et allai vivre seul. Et puis les premiers signaux d’une maladie au foie, toujours plus grave, jusqu’à la nécessité d’une transplantation. Les médecins me dirent qu’il ne me restait que peu de semaines à vivre et ils m’hospitalisèrent immédiatement. Un temps précieux que celui passé à l’hôpital, où j’essayais de me préparer l’âme en la fixant en Dieu seul, avec des actes d’amour quotidiens envers les autres malades, spécialement ceux qui étaient plus seuls. On trouva un foie compatible pour tenter la transplantation. Le résultat fut au-delà des espérances et après quelques temps je pus sortir de l’hôpital. Il y a deux ans, un coup de fil : Anna me demandait de rester avec nos filles car elle devait être hospitalisée. Je courus tout de suite. Le diagnostic, sans appel, avait réuni la famille d’une façon inespérée. Nous nous sommes pardonnés l’un l’autre, reconnaissants de pouvoir faire ensemble ce dernier bout de chemin. Dans les derniers moments, alors que je murmurais lentement à son oreille, plusieurs fois, ‘’Ave Maria’’, elle accompagnait de temps en temps ma prière avec un soupir : nous n’avions jamais prié ensemble avant. Aux dernières paroles du ‘’Salve Regina’’, ...montre-nous, après cet exil, Jésus,...Anna s’est envolée pour le Ciel. (S. B. – Italia)
Mettre en pratique l’amour
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