Patrizia Mazzola
C’étaient les années 70, marquées, dans l’histoire de nombreux pays, par les manifestations sociales, des guerres et l’absence de repères. J’effectuais ma dernière année de lycée dans ma ville de Palerme, en Sicile, une île au sud de l’Italie, tout en m’intéressant aux événements politiques. C’était une période très sombre : une vague de crimes mafieux frappait la Sicile, des jeunes de gauche et d’autres de droite s’affrontaient, souvent violemment, lors des grèves d’étudiants. Au Vietnam, le retrait des troupes américaines et la chute de Saïgon ne laissaient que des plaies ouvertes, provoquées par une guerre absurde. Moi aussi, comme tant de jeunes, j’étais à la recherche de points de référence. C’est dans ce climat que j’ai volontiers accepté l’invitation de mon professeur à participer au Genfest, une manifestation qui s’inscrivait dans le cadre de l’Année Sainte lancée par le pape Paul VI.
Je fréquentais les scouts, mais je n’imaginais pas pouvoir faire cette nouvelle expérience. L’invitation m’arriva de l’étranger comme pour beaucoup d’autres étudiants de mon école et à la fin, avec mes sœurs, nous avons décidé d’y participer. Je me souviens qu’au dernier moment j’ai été tentée de renoncer parce que je devais passer mon Bac à la fin de l’année. Finalement ce sont les autres qui m’ont encouragée et ainsi nous sommes partis de Palerme avec de nombreux autocars. J’avais emporté avec moi ma guitare, dont je ne me séparais jamais, des carnets de chants et un magnétophone, à l’époque c’était un appareil assez encombrant.
Pendant le voyage j’ai été frappée par l’attitude de certaines filles, les
Gen, qui vivaient déjà la spiritualité de l’unité. J’étais sensible aux petites attentions qu’elles avaient envers tout le monde, j’appréciais le climat d’harmonie et de sérénité, malgré notre vivacité exubérante, les moments de réflexion qui jaillissaient des chansons du Gen Rosso et du Gen Verde. Je les avais tout de suite apprises et les accompagnais avec passion.
C’était le 1er mars 1975. L’impact de cet événement, qui rassemblait au Palais des Sports de Rome 20 000 jeunes en provenance des cinq continents, fut considérable. J’ai tout de suite fait l’expérience de la force de l’évangile vécu. Par exemple, c’était la première fois que je partageais ce que j’avais avec mon voisin. J’ai alors vécu une authentique fraternité : mon rêve de voir un monde de paix, un monde uni, se trouvait là. Déjà réalisé. J’étais stupéfaite, impressionnée par les témoignages, presque à ne pas en croire mes yeux.
J’écoutais ce qui se disait depuis la scène. L’histoire de deux jeunes de
l’Afrique du Sud, lorsque l’
apartheid était toujours en vigueur, ou d’un groupe de Belfast
(Irlande du Nord), une ville meurtrie par la guerre et les divisions religieuses et politiques. Autant de signes qui nous qui nous montraient que la pax était réalisable là où nous vivions si nous nous y mettions vraiment.
Le lendemain étions tous dans la Basilique Saint Pierre, où
Chiara Lubich nous a présentés au Saint Père. A l’offertoire, douze jeunes, nous représentant tous, sont montés à l’autel avec Chiara. Je me souviens des applaudissements interminables. Lors de
l’Angelus, place S. Pierre, le pape nous a salués et encouragés à aller de l’avant
: « Nous avons eu ce matin autour de l’autel vingt mille fidèles, jeunes GEN – Génération Nouvelle – venant du monde entier. Une beauté émouvante. Remercions Dieu et reprenons courage. Un monde nouveau est en train de naître, le monde chrétien de la foi et de la charité ». Un monde nouveau commençait vraiment. Pour moi c’était le début d’une nouvelle vie.
Patrizia Mazzola
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