Cette phrase t’impressionne sûrement. Tu as raison, je crois, d’en rester perplexe et de réfléchir à ce qu’il te convient de faire. Jésus ne s’est jamais exprimé au hasard. Prends donc ces mots au sérieux, sans minimiser leur portée.
Mais essayons de comprendre leur vraie signification. Regardons pour cela comment Jésus se comportait avec les riches qu’il rencontrait, car il fréquentait aussi des personnes menant une vie aisée. À Zachée, qui donne la moitié de ses biens, il déclare : « Le salut est venu pour cette maison. » (Lc 19,9)
Les Actes des apôtres nous rapportent que dans l’Église primitive la communion des biens était libre. Les premiers chrétiens n’étaient pas tenus d’abandonner tout ce qu’ils possédaient. Jésus n’avait donc pas l’intention de fonder une communauté composée uniquement de membres ayant renoncé à tous leurs biens pour le suivre.
Mais il affirme pourtant :
« Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. »
Que Jésus réprouve-t-il alors ? Certainement pas les biens en tant que tels, mais plutôt l’attachement qu’y porte le « riche ». Pourquoi ? Parce que celui-ci se comporte en propriétaire de ce qui n’appartient qu’à Dieu.
Effectivement les richesses prennent facilement la place de Dieu dans le cœur de l’homme. Elles rendent aveugle et ouvrent la voie à toute sorte de vices. L’apôtre Paul écrivait : « Quant à ceux qui veulent s’enrichir, ils tombent dans le piège de la tentation, dans de multiples désirs insensés et pernicieux, qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. La racine de tous les maux, en effet, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont transpercé l’âme de tourments multiples. » (1 Tm 6, 9-10) Déjà Platon disait : « Il est impossible qu’un homme soit en même temps extraordinairement bon et extraordinairement riche. »
Alors quelle doit être l’attitude de celui qui possède des biens ? C’est de conserver un cœur libre, entièrement ouvert à la volonté de Dieu. Qu’il se sente en fait l’administrateur de ses biens, du capital de Dieu, que Jean Paul II a dit « grevé d’une hypothèque sociale ».
Les biens ne sont pas un mal en soi. Il ne faut pas les mépriser, mais apprendre à bien les utiliser. Ce n’est pas la main, mais le cœur qui doit s’en écarter. Sachons les gérer pour le bien des autres car celui qui est riche doit l’être pour eux.
« Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. »
Peut-être diras-tu : je ne suis pas vraiment riche et cette phrase ne me concerne pas. Attention ! Vois la question que les disciples, consternés, ont posée au Christ immédiatement après la réflexion qu’il venait de faire : « Qui donc peut être sauvé ? » (Mt 19, 25) Cela montre clairement que cette phrase du Christ s’adressait à tous. Même celui qui a tout quitté pour le suivre peut avoir le cœur attaché à mille choses. Même un pauvre qui jure parce qu’on touche à son baluchon peut être un « riche » devant Dieu.
Chiara Lubich
Fondatrice du mouvement des Focolari
dont elle a été présidente de 1943 jusqu’à son décès en 2008.
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