Une Église missionnaire qui vit l’Évangile et partage sa vie avec le peuple de Dieu. Telle est l’orientation de ce pontificat, exprimée avec clarté, vigueur et de manière prophétique dans Evangelii Gaudium. « Il s’agit de la prise de conscience – explique Piero Coda – progressive et exigeante, qui invite à devenir une Église présente au monde, avec une manière de vivre et une mission qui doivent, de son sommet à sa base, se rapporter à celles de Jésus ». Quatre ans après son élection on ne s’est pas encore complètement remis de la surprise que suscitent ses paroles, ses gestes, sa façon d’être. On a de la peine à se rendre compte de tout ce qui est en train d’arriver. Il manifeste clairement et fortement sa volonté de guider son ministère en vivant l’Évangile « sine glossa » – c’est à dire sans commentaires ni compromis. Cette expression – comme on le sait – est de François d’Assise. Ce n’est pas sans raison que Jorge Maria Bergolglio a senti que Dieu l’appelait à prendre ce prénom en ce moment précis de l’histoire du monde : une façon pour lui de préciser l’esprit qui doit animer sa mission en tant qu’évêque de Rome. Par cette citation il entend ne pas ajuster l’Évangile à notre mesure, mais d’élargir notre cœur et notre esprit à celle de l’Évangile. Mais n’est-ce pas ce à quoi l’Église est appelée à chaque époque ? Qu’y a-t-il donc de nouveau ? A dire vrai, la conversion et « l’aggiornamento » revêtent à chaque période de notre histoire un caractère particulier et ouvrent une voie qui, tout en étant celle de toujours, est cependant celle et seulement celle qui répond aux questions et aux blessures de l’époque où nous sommes appelés à vivre. C’est pourquoi, si la conversion demandée hier est, par certains aspects, la même que celle qui nous est demandée aujourd’hui, celle-ci est aussi différente par la façon dont elle s’exprime et se concrétise historiquement : parce qu’elle est appelée à répondre à la voix de Dieu qui nous rappelle précisément les paroles de Jésus que l’Esprit veut mettre en lumière et nous faire incarner en ce moment. En réponse aux défis et aux blessures de notre temps. Il s’agit de la prise de conscience, progressive et exigeante, de devenir une Église présente au monde, avec une manière de vivre (au niveau du contenu et comme de la forme) et une mission qui doivent, de son sommet à sa base, se mesurer à celles de Jésus. J’ai toujours dans le cœur ce que Romana Guarneri, qui avait un sens aigu de l’histoire, me disait avant de mourir, avec le peu de voix qui lui restait: “ Le christianisme doit encore fleurir”. Je pense qu’on peut comprendre cette affirmation ainsi : le temps est venu où la racine de la foi au Christ peut et doit faire éclore une fleur jusqu’ici inconnue, capable de tous nous surprendre encore une fois par sa beauté exceptionnelle. Et de nous insuffler une nouvelle vie. Au fond que sont 2000 ans d’histoire? Somme toute, le christianisme ne s’est-il pas exprimé jusqu’ici qu’à travers les catégories de vie et de pensée propres à l’Europe et à l’Occident ? Elles ont été certes providentielles et précieuses, mais tout autres que définitives et absolues. Les enjeux autour de ce que le pape François a déclenché dans l’Église sont importants. Peut-être même au point d’être décisifs pour L’Église, dans l’étape sans précédente qui l’attend. Le Concile Vatican II n’a pas été seulement un point d’arrivée, mais surtout celui d’un nouveau départ. Rien n’est perdu de l’héritage extraordinaire qui nous vient de la Tradition, mais l’écoute désarmée de l’Esprit qui souffle aujourd’hui remet tout en jeu. Ce que Dieu attend de l’Église aujourd’hui – et ce n’est pas par hasard qu’il l’a dit lors du 50ème anniversaire de la création du Synode des évêques – se résume en un seul mot : synode. Marcher ensemble. Femmes et hommes. Jeunes, adultes et personnes âgées. De diverses vocations et porteurs de divers charismes dans l’Église. De différentes Églises. De différentes cultures, religions et visions du monde. Tous, sans exclure personne. A commencer par ceux qui se trouvent mis à l’écart d’une manière ou d’une autre. La “mystique du nous” est le parfum, la vérité et la juste mesure d’une « Église en sortie ». C’est le levain de ce nouveau paradigme culturel que suppose et réclame le changement d’époque dont nous sommes appelés à être les protagonistes. Sous peine d’aller vers l’effondrement ou la désintégration de l’aventure humaine. Quatre ans après son élection, nous le disons avec simplicité, conviction et gratitude : le Pape François, c’est une chance pour nous tous, pas seulement pour les catholiques. Parce qu’il nous pousse à devenir des hommes et des femmes, membres du peuple de Dieu, qui ne suivent comme étoile polaire et ligne de vie exigeante et libératrice, rien d’autre que la belle et joyeuse Bonne Nouvelle de l’Évangile. Pour en transmettre le feu – aujourd’hui comme il y a deux mille ans – au cœur du monde.
Mettre en pratique l’amour
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