Juin 2012
La « nourriture qui ne périt pas », c’est la personne-même de Jésus et c’est aussi son enseignement, puisque l’enseignement de Jésus ne fait qu’un avec sa personne. En continuant à lire l’Evangile, on voit ensuite que ce pain non périssable s’identifie aussi avec le corps eucharistique de Jésus. On peut donc dire que le « pain qui se garde » est Jésus en personne, qui se donne à nous dans sa Parole et dans l’Eucharistie. « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera ». L’image du pain revient souvent dans la Bible, comme celle de l’eau. Le pain et l’eau représentent les aliments de base, indispensables à la vie de l’homme. En s’appliquant à lui-même l’image du pain, Jésus veut dire que sa personne et son enseignement sont indispensables à la vie spirituelle de l’homme, de même que le pain est indispensable à la vie du corps. Le pain matériel est absolument nécessaire. Jésus lui-même le procure miraculeusement aux foules. Mais il ne suffit pas. L’homme porte en soi – peut-être sans s’en rendre vraiment compte – une faim de vérité, de justice, de bonté, d’amour, une faim de pureté, de lumière, de paix, de joie, d’infini, d’éternel, que rien au monde ne peut satisfaire. Jésus se propose lui-même comme le seul capable de rassasier cette faim intérieure de l’homme. « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera ». Cependant, en se présentant comme le « pain de vie », Jésus ne se limite pas à affirmer la nécessité de se nourrir de lui, c’est-à-dire de croire en ses paroles pour avoir la vie éternelle ; il veut aussi nous pousser à faire l’expérience de (vivre) sa personne. En déclarant : « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable…. », il nous lance une invitation pressante. Il nous dit qu’il faut agir, utiliser tous les moyens pour se procurer cette nourriture. Jésus ne s’impose pas, mais il veut qu’on le découvre, il veut que l’on expérimente qui il est. Evidemment, l’homme n’est pas capable d’atteindre Jésus uniquement par ses propres forces. Mais il le peut grâce au don de Dieu. Jésus invite continuellement l’homme à se mettre dans la disposition d’accueillir le don de sa personne. Et c’est en s’efforçant de mettre en pratique sa Parole, que l’homme parvient à la plénitude de la foi en Jésus, jusqu’à savourer sa Parole comme un pain délicieux. « Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera ». La Parole de ce mois n’a pas pour objet un point particulier de l’enseignement de Jésus (par exemple le pardon des offenses, le détachement des richesses, etc.), mais elle nous ramène à la racine-même de la vie chrétienne, c’est-à-dire à notre relation personnelle avec Jésus. Je pense que celui qui a commencé à vivre sérieusement sa Parole, surtout le commandement de l’amour du prochain, synthèse de toutes les paroles de Dieu et de tous les commandements, se rend compte, au moins un peu, que Jésus est le « pain » de sa vie, capable de combler les désirs de son coeur, qu’il est la source de sa joie, de sa lumière. Celui qui met la Parole en pratique, arrive à la considérer, au moins un peu, comme la vraie réponse aux problèmes de l’homme et du monde. Et étant donné que Jésus « pain de vie » fait le don suprême de lui-même dans l’Eucharistie, celui qui le suit, va spontanément recevoir avec amour l’Eucharistie qui occupe alors une place importante dans sa vie. Il faut que ceux d’entre nous qui ont fait cette expérience surprenante, ne gardent pas pour eux leur découverte mais la communiquent à d’autres, avec le même empressement que met Jésus à nous inciter à nous procurer le « pain de vie ». Beaucoup trouveront ainsi en Jésus ce que leur coeur cherche depuis toujours. C’est un très grand acte d’amour envers nos frères pour qu’ils connaissent, eux aussi, ce qu’est la vraie vie, dès cette terre. Et ils auront la vie qui ne meurt pas. Que peut-on leur souhaiter de plus ?
Chiara LUBICH
* Parole de vie publiée en août 1985
Mai 2012
« C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
Jésus nous donne l’Esprit. Mais comment l’Esprit Saint agit-il ? En répandant l’amour en nos cœurs. Cet amour qu’il nous faut maintenir allumé en nous, selon son désir.
Quelle est la nature de cet amour ?
C’est l’amour évangélique qui n’est ni terrestre, ni limité, mais universel comme celui du Père du ciel qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes »[3], y compris sur les ennemis.
Cet amour n’attend rien des autres. Il prend toujours l’initiative, il aime en premier.
Cet amour ‘se fait un’ avec chaque personne. Il souffre et se réjouit avec elle, se préoccupe ou espère avec elle et il le fait en agissant concrètement si c’est nécessaire. C’est un amour qui n’est pas seulement un sentiment et qui ne se contente pas de mots.
Cet amour nous fait aimer le Christ en chaque frère et sœur rencontrés, nous rappelant qu’il a dit : « C’est à moi que vous l’avez fait. »[4]
Il tend à la réciprocité, à réaliser avec les autres l’amour réciproque.
Expression visible, concrète de notre vie évangélique, cet amour accrédite, donne toute sa portée à la parole qu’ensuite nous pourrons et devrons annoncer pour évangéliser.
« C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
L’amour est comme un feu, l’important, c’est qu’il reste allumé. Pour cela, il lui faut toujours quelque chose à brûler. Avant tout, notre moi égoïste, et cela se réalise car en aimant, nous sommes complètement projetés en dehors de nous-même, soit vers Dieu, en accomplissant sa volonté, ou vers le prochain, lorsque nous l’aidons.
Un feu qui brûle, même petit, peut devenir un grand incendie s’il est alimenté. C’est l’incendie d’amour, de paix, de fraternité universelle que Jésus a apporté sur la terre.
Chiara LUBICH
* Parole de Vie publiée en août 2001
Avril 2012
«Déjà vous êtes émondés… » Quels sont les sarments à éliminer ? Il s’agit de retirer devant Dieu tous les obstacles au contact avec le sacré – le péché, par exemple – tout ce qui s’oppose à la rencontre avec le divin. Pour arriver à cette pureté, l’aide de Dieu est nécessaire. Déjà dans l’Ancien Testament l’homme avait pris conscience de son incapacité à se rapprocher de Dieu par ses propres forces. Il fallait que Dieu purifie son cœur, qu’il lui donne un cœur nouveau. Un très beau psaume dit : « … Crée en moi, ô Dieu, un cœur pur » «Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite.» Selon Jésus, il y a un moyen pour être pur : sa Parole. Cette Parole, les disciples l’ont écoutée, ils y ont adhéré. Elle les a purifiés. En effet, la Parole de Jésus n’est pas comme les paroles humaines. Le Christ est présent en elle comme il est présent, d’une autre manière, dans la Cène. Par sa Parole, le Christ pénètre en nous. En acceptant sa Parole et en la mettant en pratique, on permet au Christ de naître et grandir dans notre cœur. Paul VI disait : «Comment Jésus se rend-il présent dans les âmes ? Par la communication de la Parole, c’est la pensée divine qui passe, le Verbe, le Fils de Dieu fait homme. On pourrait affirmer que le Seigneur s’incarne en nous quand nous acceptons que la Parole vienne vivre en nous.» «Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite.» La Parole de Jésus est également comparée à une graine jetée au plus profond du cœur du croyant. Accueillie, elle pénètre dans l’homme et, comme une graine, elle se développe, grandit, porte du fruit, nous « christifie », nous rendant ainsi semblables au Christ. La Parole de Jésus, intériorisée par l’Esprit, a réellement la capacité et la force de garder le chrétien loin du mal. Tant qu’il la laisse agir en lui, il est libre du péché et donc pur. Il ne péchera que s’il cesse d’obéir à la vérité. «Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite.» Alors comment vivre pour correspondre nous aussi à cet éloge de Jésus ? En mettant en pratique chaque Parole de Dieu, en nous en nourrissant instant par instant, en faisant de notre existence une œuvre de continuelle ré-évangélisation. Cela pour arriver à avoir les mêmes pensées et sentiments que Jésus, pour «le revivre» dans le monde, pour montrer à une société, souvent engluée dans le mal et le péché, la pureté divine, la transparence que donne l’Évangile. Puis, au cours de ce mois, si cela est possible (c’est à dire si d’autres partagent nos intentions) cherchons à mettre en pratique de façon particulière la phrase qui exprime le commandement de l’amour réciproque. Pour l’évangéliste Jean qui rapporte la phrase de Jésus que nous considérons ce mois-ci, il y a en effet un lien entre cette phrase du Christ et le commandement nouveau. Selon lui, c’est dans l’amour réciproque que l’on vit la Parole avec ses effets de purification, de sainteté, d’absence de péché, de fécondité, de rapprochement de Dieu. L’individu isolé est incapable de résister longtemps aux sollicitations du monde, alors que, dans l’amour réciproque, il trouve le milieu sain et capable de protéger son existence chrétienne authentique. Chiara Lubich *Parole de Vie publiée en mai 1982
Mars 2012
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. » Pierre avait bien compris que les paroles de Jésus étaient d’un autre ordre que celles des autres maîtres. Les paroles qui viennent de la terre appartiennent à la terre et sont appelées à y retourner. Venues du Ciel, les paroles de Jésus sont esprit et vie. Lumière descendue d’En-haut, elles en ont la puissance. Elles recèlent une densité et une profondeur uniques que n’ont pas les autres paroles, celles des philosophes, des hommes politiques, des poètes. Elles sont « paroles de vie éternelle[6] » parce qu’elles contiennent, expriment et communiquent la plénitude de la vie qui n’a pas de fin, c’est-à-dire la vie même de Dieu. Jésus est ressuscité et il est vivant. Ses paroles, même si elles ont été prononcées dans le passé, ne sont pas un simple souvenir. Elles s’adressent aujourd’hui à chacun de nous, à tous les hommes de tous les temps et de toutes les cultures : ce sont des paroles universelles et éternelles. Les paroles de Jésus ! Quel contenu, quelle intensité, quelle expression ! C’est le Verbe lui-même qui s’exprime en paroles humaines ! Saint Basile[7] raconte : « Un jour, comme si je m’éveillais d’un profond sommeil, je tournai les yeux vers l’admirable lumière de la vérité évangélique et je vis l’inutilité de la sagesse des princes de ce siècle[8] » Thérèse de Lisieux, dans une lettre du 9 mai 1897, écrit : « Parfois lorsque je lis certains traités spirituels […] mon pauvre petit esprit se fatigue bien vite, je ferme le savant livre qui me casse la tête et me dessèche le cœur et je prends l’Ecriture Sainte. Alors tout me semble lumineux, une seule parole découvre à mon âme des horizons infinis, la perfection me semble facile[9] » Oui, les paroles divines comblent notre esprit fait pour l’infini. Elles n’illuminent pas seulement l’esprit mais tout notre être car elles sont lumière, amour et vie. Elles nous apportent la paix – celle que Jésus appelle sienne : « ma paix » – même dans les moments de trouble et d’angoisse. Elles nous donnent la plénitude de la joie au milieu des souffrances, qui, parfois, tenaillent notre âme. Elles nous donnent la force lorsque nous sombrons dans la crainte ou le découragement. Elles nous rendent libres parce qu’elles ouvrent la voie à la Vérité. « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. » La Parole de ce mois nous rappelle que Jésus est notre unique Maître. Nous avons à le suivre quelle que soit l’apparente dureté de ses paroles : elles exigent de nous l’honnêteté dans le travail, le pardon, le service des autres – plutôt que de penser à nous de façon égoïste – la fidélité à nos engagements, dans la vie familiale, etc… de prêter assistance à un malade en phase terminale, en sachant résister à l’idée de l’euthanasie… Alors que beaucoup de maîtres nous invitent à des solutions de facilité, à des compromis, nous ne voulons écouter et suivre qu’un seul Maître, celui qui dit la vérité et « a des paroles de vie éternelle » et devenir ses disciples. En nous aussi doit naître un amour passionné pour la Parole de Dieu : accueillons-la avec beaucoup d’attention lorsqu’elle est proclamée dans nos Eglises, lisons-la, étudions-la, méditons-la. Et surtout, nous sommes appelés à la vivre, suivant l’enseignement de l’Ecriture, vivons-la : « Devenez des réalisateurs de la Parole, et pas seulement des auditeurs qui s’abuseraient eux-mêmes[10] ! » C’est pour cette raison que nous portons notre attention chaque mois sur une Parole, la laissant nous pénétrer, nous former, nous « faire devenir elle ». Vivre une seule parole de Jésus revient à vivre l’Evangile tout entier car dans chacune de ses paroles c’est Lui-même qui se donne, c’est Lui qui vient vivre en nous. C’est comme une goutte de sa divine sagesse, à lui, le Ressuscité, qui, lentement se fraye un chemin et s’installe en nous, y imprimant un nouveau mode de penser, de vouloir, d’agir, quelles que soient les circonstances de la vie.
Chiara Lubich
Février 2012
Ainsi commence, dans l’Évangile de Marc, l’annonce de Jésus, le message de salut qu’il apporte au monde : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Avec la venue de Jésus, apparaît une ère nouvelle, celle de la grâce et du salut. Dès ses premiers mots, il invite à accueillir la grande nouveauté, la réalité même du Règne de Dieu, qu’il met à la portée de tous, qu’il rend proche de chaque homme.Il indique tout de suite la route à suivre : se convertir et croire à l’Évangile, c’est-à-dire changer radicalement de vie et accepter, en Jésus, la parole que, par lui, Dieu adresse à l’humanité de tous les temps. La conversion et la foi vont de pair. Il ne peut y avoir l’une sans l’autre et toutes deux naissent au contact de la parole vivante, avec la présence de Jésus, qui aujourd’hui encore répète aux foules : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » La parole de Dieu accueillie et vécue change radicalement les mentalités (c’est le sens du mot « conversion »). Elle fait pénétrer dans le cœur de chacun – qu’il soit européen, asiatique, australien, américain, africain – la façon dont le Christ voit les événements, les personnes, la société. Mais comment l’Évangile peut-il opérer le miracle d’une conversion profonde, d’une foi nouvelle et lumineuse ? Le secret réside dans le mystère que contiennent les paroles de Jésus. Ce ne sont pas simplement des supplications, des suggestions, des directives ou des commandements. Dans sa parole, Jésus lui-même est présent et nous parle. Il ne fait qu’un avec elle.C’est donc lui que nous rencontrons dans sa parole. Si nous accueillons celle-ci comme il le veut (c’est-à-dire en étant prêts à la traduire en vie), nous sommes un avec lui et il naît ou grandit en nous. C’est pourquoi chacun de nous peut et doit accueillir l’invitation si pressante et exigeante de Jésus. « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Il se peut que quelqu’un juge les paroles de l’Évangile trop élevées, difficiles, et trop éloignées de la manière courante de vivre et de penser. Il sera tenté de ne pas les écouter et de se décourager. Mais cela se produit lorsqu’il croit devoir déplacer seul la montagne de son incrédulité. Il lui suffirait d’essayer de vivre une seule Parole de l’Évangile pour trouver en elle un secours inespéré, une force unique, une lampe pour ses pas (cf. Ps 119 [118], 105). Car communier à cette Parole, qui est une présence de Dieu, rend libre, purifie, convertit, réconforte, apporte la joie et donne la sagesse. « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Combien de fois dans notre journée cette Parole peut nous éclairer ! Chaque fois que nous nous heurtons à notre faiblesse ou à celle des autres, chaque fois que suivre Jésus nous semble impossible ou absurde, chaque fois que les difficultés tentent de nous abattre, cette Parole peut nous donner des ailes, être une bouffée d’air frais, un stimulant pour recommencer.Il suffira d’un petit et rapide « changement de cap » pour sortir de l’enfermement de notre moi et nous ouvrir à Dieu, pour découvrir une autre vie, la vraie. Si, par la suite, nous pouvons partager cette expérience avec des amis qui, eux aussi, ont fait de l’Évangile leur règle de vie, nous verrons éclore ou refleurir autour de nous la communauté chrétienne. Car la Parole de Dieu, lorsqu’elle est expérience vécue que l’on communique, fait aussi ce miracle : elle donne naissance à une communauté visible, qui devient le levain et le sel de la société, témoignant le Christ sur tous les points de la terre. Chiara Lubich(Fondatrice des Focolari (1920-2008)