Mouvement des Focolari

Parole de vie de Janvier 2016

Quand le Seigneur agit, il accomplit des œuvres magnifiques. Dès qu’il eut créé l’univers, « Dieu vit que cela était bon » (Gn 1,25). Puis, après avoir créé l’homme et la femme et leur avoir confié la création, « Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon (Gn 1,31). Pourtant son œuvre qui dépasse toutes les autres est celle qu’accomplit Jésus : par sa mort et sa résurrection, il crée un monde nouveau et un peuple nouveau. Un peuple auquel il donne la vie du Ciel, la possibilité d’une fraternité authentique, dans l’accueil réciproque, dans le partage, dans le don de soi. La lettre de Pierre rend les premiers chrétiens conscients que l’amour de Dieu les fait devenir « race élue, communauté sacerdotale du roi, nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis » (lire le passage entier des versets 9 et 10). Si, comme les premiers chrétiens, nous nous rendions compte de ce que nous sommes, de ce que la miséricorde de Dieu a opéré en nous tous, nous ne pourrions contenir notre joie. Nous aurions besoin de la partager et de “proclamer la beauté des œuvres du Seigneur”. Pourtant il est presque impossible de témoigner de la beauté de la nouvelle société à laquelle Jésus a donné vie, si nous demeurons isolés les uns des autres. Il est donc normal que l’invitation de Pierre soit adressée à tout le peuple. Impossible de nous quereller, de nous déchirer entre factions, ni même de nous montrer indifférents les uns envers les autres si nous voulons proclamer ensuite :« Le Seigneur a créé un peuple nouveau, il nous a libérés de l’égoïsme, de la haine et des rancœurs, il nous a donnés comme loi l’amour réciproque, qui nous rend un seul cœur et une seule âme… ». Dans le peuple chrétien que tous nous formons, il existe des différences dans nos modes de pensée, dans nos traditions et cultures respectives, mais ces diversités doivent être accueillies avec respect. Reconnaissons la beauté de cette grande variété, conscients que l’unité ne signifie pas uniformité. C’est le chemin que nous parcourrons pendant la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens : cette Parole de vie nous invite à mieux nous connaître entre chrétiens d’Églises et de communautés différentes. Elle nous invite à nous raconter les uns aux autres la beauté des œuvres du Seigneur. Alors nous pourrons « proclamer » ces œuvres de façon crédible, en témoignant justement que nous sommes unis entre nous, dans cette diversité, et que nous nous soutenons concrètement les uns les autres. Chiara Lubich encourageait avec force un tel cheminement : « L’amour est ce qu’il y a de plus puissant au monde : il déclenche autour de celui qui en est animé une révolution chrétienne pacifique, si bien que les chrétiens d’aujourd’hui peuvent, comme les premiers chrétiens, redire : « Nous sommes nés hier et nous avons déjà envahi le monde » […] « L’amour ! Comme le monde a besoin d’amour ! Et nous, chrétiens, aussi ! Tous ensemble, de toutes les Églises, nous sommes plus de deux milliards ! C’est beaucoup et cela devrait se voir. Pourtant nous sommes si divisés que beaucoup ne nous voient pas et surtout ne voient pas Jésus à travers nous. « Jésus a affirmé que le monde nous reconnaîtrait pour ses disciples et, à travers nous, le reconnaîtrait lui, grâce à notre amour réciproque, grâce à l’unité : “A ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres” (Jean 13,35). […] Notre époque demande donc de chacun de nous amour, unité, communion, solidarité, et elle appelle les Églises à reconstruire l’unité brisée depuis des siècles . » Texte préparé sous la direction de Fabio Ciardi

Parole de Vie – Décembre 2015

A qui s’adressent ces paroles ? A moi ! Le Seigneur vient. Suis-je prêt à l’accueillir ? Je le prie chaque jour : «Viens, Seigneur Jésus». Et il répond : «Oui, je viens bientôt» (cf. Ap 22,17-20). Il se tient à la porte et il frappe, il demande à entrer (cf. Ap 3,20). Puis-je le laisser dehors, en-dehors de ma vie? Jean le Baptiste adressait cette invitation, à accueillir le Seigneur qui vient, aux Juifs de son temps. Il leur demandait de confesser leurs péchés et de se convertir, de changer de vie. Pour lui, la venue du Messie était imminente. Le peuple qui l’attendait depuis des siècles, le reconnaîtrait-il, l’écouterait-il, le suivrait-il ? Jean savait que pour l’accueillir, il fallait se préparer. D’où son invitation pressante : «Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers» Ces paroles s’adressent à moi. Chaque jour Jésus continue de venir. Chaque jour, il frappe à ma porte. Pour moi aussi, comme pour les Juifs de l’époque il n’est pas facile de le reconnaître. Contrairement aux attentes, il s’est présenté comme un humble charpentier, venant de Nazareth, village peu connu. Aujourd’hui, il apparaît sous les traits d’un migrant, d’un chômeur, de mon employeur, d’un camarade de classe, de membres de ma famille, de personnes en qui le visage du Seigneur n’apparaît pas toujours dans toute sa splendeur, en qui il semble parfois bien caché. Sa voix subtile invitant au pardon, à la confiance et à l’amitié, au respect des choix de l’Evangile, est souvent étouffée par d’autres voix qui distillent haine, recherche de soi, corruption. D’où la comparaison du caractère tortueux des obstacles à la venue de Dieu dans notre vie quotidienne. Inutile d’énumérer les mesquineries, les égoïsmes, les péchés présents en nous, nous rendant aveugles à sa présence et sourds à sa voix. S’il est sincère, chacun de nous connaît les barrières l’empêchant de rencontrer Jésus, aussi bien dans sa parole que dans le prochain auquel il s’identifie. D’où l’invitation de cette Parole de vie qui me concerne si bien : «Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers» Il s’agit pour moi de redresser ce jugement m’amenant à condamner l’autre, à ne plus lui adresser la parole, ceci afin de le comprendre, l’aimer, me mettre à son service. Redresser tant de comportements tordus, qui me portent à trahir une amitié, me rendent violent, me font contourner les lois. Et cela, pour arriver au contraire à supporter même une injustice, pour sauvegarder une relation et m’engager à fond à faire grandir la fraternité autour de moi. Parole dure et forte que celle proposée ce mois-ci, mais aussi libératrice, apte à changer ma vie, à m’ouvrir à la rencontre avec Jésus, afin qu’il vienne vivre, agir et aimer à travers moi. Parole qui, si elle est vécue, peut encore faire plus : elle peut faire naître Jésus au milieu de nous, dans la communauté chrétienne, la famille, les groupes dans lesquels nous sommes engagés. Jean Baptiste l’a adressée à tout le peuple : et Dieu «a habité parmi nous» (Jn 1,14), au milieu de son peuple. Alors – nous aidant les uns les autres – ayons à cœur de redresser les sentiers de nos relations, d’éliminer les difficultés pouvant exister entre nous, vivons la miséricorde, à laquelle cette année nous invitera . Ainsi, nous deviendrons ensemble la maison, la famille capable d’accueillir Dieu. Ce sera Noël : Jésus trouvera la voie ouverte et pourra demeurer au milieu de nous. Fabio Ciardi

Parole de Vie – Novembre 2015

C’est la dernière prière de Jésus au Père, celle où il Lui demande ce qui Lui tient le plus à cœur. En effet Dieu a créé l’humanité comme sa propre famille, avec qui il partage sa vie divine elle-même. Or, quel plus grand désir peuvent avoir des parents pour leurs enfants, sinon qu’ils s’aiment, s’aident et vivent unis ? Et la plus grande peine sinon de constater leurs divisions (…) ? De toute éternité, Dieu a rêvé l’unité de sa propre famille en une communion d’amour de ses enfants avec lui et entre eux. Cependant, le récit dramatique des origines (dans le Livre de la Genèse) nous met en face du péché et de la dislocation progressive de la famille humaine : l’homme accuse sa femme, Caïn tue son propre frère, Lamech se vante de sa vengeance démesurée, la Tour de Babel engendre l’incompréhension et la dispersion des peuples… Le projet de Dieu semble avoir échoué. Pourtant, (…) Dieu poursuit la réunification de sa propre famille. L’histoire repart avec Noé, l’appel d’Abraham, la naissance du peuple élu. Puis Dieu décide d’envoyer son Fils sur la terre, avec mission de rassembler en une seule famille les enfants dispersés, (…) d’abattre les murs de séparation et de haine entre les hommes, afin de créer un peuple nouveau et unique (cf. Ep. 2, 14-16). Dieu ne cessant de rêver d’unité, Jésus la Lui demande comme le don le plus grand qu’il peut implorer pour nous tous : je te prie, Père, « Que tous soient un ». Chaque famille porte l’empreinte des parents. De même pour celle que Dieu a créée. Dieu est Amour non seulement parce qu’il aime sa créature, mais parce qu’Il est Amour en Lui-même, dans la réciprocité du don et de la communion de chacune des trois Personnes divines entre elles. En effet, quand Il a créé l’humanité, Il l’a modelée à Son image et à sa ressemblance, y imprimant sa propre capacité de relation, afin que chaque personne vive dans le don réciproque d’elle-même. La phrase entière de la prière de Jésus que nous voulons vivre ce mois-ci dit en effet : « que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi ». Ainsi donc, le modèle de notre unité n’est autre que l’unité qui existe entre le Père et Jésus. Cela semble impossible, tant elle est profonde. Elle est cependant rendue possible par ce comme, qui signifie aussi parce que : nous pouvons être unis comme sont unis le Père et Jésus, justement parce qu’ils nous font participer à leur propre unité, ils nous en font le don. « Que tous soient un » C’est vraiment cela l’œuvre de Jésus : faire que nous soyons tous un, comme il l’est avec le Père, que nous soyons une seule famille, un seul peuple. C’est pour cela aussi qu’il s’est fait l’un de nous, se chargeant de nos divisions et de nos péchés, les clouant sur la croix. Il nous a indiqué lui-même la voie qu’il devait parcourir pour nous mener à l’unité : « Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32). Comme l’avait prophétisé le Grand Prêtre, « il fallait que Jésus meure (…) pour réunir dans l’unité les enfants de Dieu qui sont dispersés » (Jn 11,52). Dans son mystère de mort et de résurrection, il a tout résumé en lui (cf. Ep 1,10), il a recréé l’unité brisée par le péché, il a reconstruit la famille autour du Père et nous a rendus de nouveau frères et sœurs entre nous. Sa mission, Jésus l’a accomplie. Maintenant, ce qui reste à faire, c’est notre part, notre adhésion, notre « oui » à sa prière : « Que tous soient un » Comment contribuer à la réalisation de cette prière ? Tout d’abord, la faire nôtre. Prêtons nos lèvres et nos cœurs à Jésus pour qu’il continue à adresser ces paroles au Père, répétons chaque jour avec confiance sa prière. L’unité est un don d’en-haut, à demander avec foi, sans jamais nous lasser. Et puis, maintenons ces paroles au centre de nos pensées et de nos désirs. Si l’unité est un rêve de Dieu, qu’elle soit aussi le nôtre. Nous pourrions aussi nous demander : tel choix, telle décision, telle action, sont-ils les meilleurs pour construire l’unité ? Enfin n’hésitons pas à agir partout où règnent les désaccords les plus évidents. Comme Jésus, prenons-les sur nous. Il peut s’agir de heurts en famille, entre voisins, de tensions entre voisins, au travail, en paroisse ou entre Églises. Ne restons pas indifférents aux litiges, aux incompréhensions. Mettons-y tout notre amour fait d’écoute, d’attention à l’autre, du partage de la souffrance née de cette blessure. Surtout vivons en unité avec ceux qui sont disposés à partager l’idéal de Jésus et sa prière, sans nous attarder aux malentendus et aux divergences d’idées, plus heureux du « moins parfait, vécu en unité, que du plus parfait, vécu dans la désunion ». Acceptons avec joie les différences, bien plus, considérons-les comme une richesse, pour parvenir à une unité qui n’est jamais une réduction à l’uniformité. Bien sûr, cela nous mettra parfois sur la croix, mais c’est justement la voie que Jésus a choisie pour restaurer l’unité de la famille humaine et c’est le chemin que nous voulons nous aussi parcourir avec lui. Fabio Ciardi

Parole de Vie – Octobre 2015

C’est le signe distinctif, la caractéristique des chrétiens. Ou, du moins, ce devrait l’être, car c’est ainsi que Jésus a conçu sa communauté. La Lettre à Diognète , un texte passionnant datant des premiers siècles du christianisme, prend acte du fait que « les chrétiens ne se distinguent du reste des hommes ni par leur pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre. Ils n’ont pas d’autres villes que les vôtres, d’autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes. » Les chrétiens sont des personnes ordinaires, semblables aux autres. Et cependant ils possèdent un secret qui leur permet d’exercer une profonde influence sur la société, dont ils deviennent en quelque sorte l’âme (cf. chap. 5-6). Ce secret, Jésus l’a donné à ses disciples, peu avant sa mort. Comme les sages d’Israël, ou un père à l’égard de son fils, lui, le Maître de la sagesse, leur a laissé en héritage l’art de vivre, comme lui-même l’avait appris de son Père : « Je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père » (Jn 15,15), et c’était le fruit de sa relation avec Lui. Ce secret consiste à s’aimer les uns les autres. C’est sa dernière volonté ; c’est la vie du ciel, qu’il a apportée sur la terre et partagée avec nous afin qu’elle devienne notre vie. Il veut qu’elle constitue l’identité de ses disciples, qu’on les reconnaisse comme tels à leur amour réciproque : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » Les disciples de Jésus sont-ils reconnus à leur amour réciproque ? « L’histoire de l’Église est une histoire de sainteté ». Cependant, elle a aussi « enregistré bon nombre de faits qui constituent un contre témoignage pour le christianisme », a écrit Jean-Paul II . Au nom de Jésus, pendant des siècles les chrétiens se sont combattus dans des guerres interminables et leurs divisions persistent. De nos jours, certains continuent d’associer les chrétiens avec les Croisades, ou les tribunaux de l’Inquisition, ou bien comme les défenseurs acharnés d’une morale dépassée, ou encore hostiles à la science. Il n’en était pas ainsi des premiers chrétiens, au sein de la communauté naissante de Jérusalem. Les gens s’émerveillaient de la communion des biens que l’on y pratiquait, de l’unité qui y régnait, de « la joie et de la simplicité de cœur » qui la caractérisaient (Ac 2,46). « Le peuple louait hautement » cette communauté, nous disent encore les Actes des Apôtres, et « le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur, hommes et femmes, augmentait de plus en plus » (Ac 5,13-14). Par son témoignage de vie, cette communauté exerçait un grand pouvoir d’attraction. Pourquoi alors, ne nous reconnaît-on pas, aujourd’hui, comme ceux qui se distinguent par l’amour ? Qu’avons-nous fait du commandement de Jésus ? « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » Dans le monde catholique, le mois d’octobre est traditionnellement celui de la «mission», et donc de la réflexion sur le mandat, donné par Jésus, d’aller annoncer l’Évangile dans le monde entier, et aussi de la prière pour soutenir ceux qui y sont en première ligne. Cette parole de vie peut nous aider à retrouver la dimension fondamentale de l’annonce du message chrétien, qui exclut tout prosélytisme, ou aide intéressée en vue de conversions. Ce n’est pas essentiellement, non plus, la défense intransigeante des valeurs morales, ni une prise de position ferme face aux injustices et aux guerres, même si ces attitudes s’imposent au chrétien qui ne peut s’y soustraire. Le message chrétien est, avant tout, un témoignage de vie que tout disciple de Jésus doit donner personnellement : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres » . Même les plus hostiles à l’Église se montrent souvent sensibles à l’exemple donné par ceux qui consacrent leur vie aux malades, aux pauvres, qui n’hésitent pas à quitter leur patrie pour aller vers des terres lointaines et apporter aide et compassion aux plus déshérités. Cependant, le témoignage que Jésus demande est surtout celui d’une communauté qui rende visible la vérité de l’Évangile. Cette communauté doit montrer que la vie, que Jésus a apportée, peut réellement faire naître une société nouvelle, où l’on vit des relations de vraie fraternité, d’aide et de service réciproque, et où tous ont le souci des personnes les plus fragiles et les plus démunies. L’Église, au cours de sa vie, a connu de tels témoignages ; citons, par exemple, les villages construits par les franciscains et les jésuites pour les autochtones en Amérique du Sud, ou, en Europe, les monastères autour desquels des bourgades naissaient. Et, de nos jours, des communautés et des mouvements d’Église créent des lieux de témoignage où l’on peut voir les signes d’une société nouvelle, fruit de la vie de l’Évangile et de l’amour réciproque. « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » Si nous vivons entre nous cette unité pour laquelle Jésus a donné sa vie, et ceci, tout en conservant notre cadre de vie, nous pourrons créer un mode de vie habituel et semer autour de nous des germes d’espérance. Une famille qui, chaque jour, décide de vivre concrètement l’amour réciproque, peut devenir un rayon de lumière dans son quartier ou dans son voisinage, où les rapports sont marqués par l’indifférence réciproque. Une petite “cellule”, constituée de deux ou plusieurs personnes qui se mettent d’accord pour vivre de façon radicale les exigences de l’Évangile, que ce soit sur un lieu de travail, dans une école, au sein d’un syndicat, dans les bureaux d’une administration, ou au cœur d’une prison, peut briser la logique de la lutte pour le pouvoir et introduire un climat de collaboration, et, contre toute attente, y faire naître la fraternité. N’est-ce pas ce que faisaient les premiers chrétiens, sous l’empire romain ? N’est-ce pas ainsi qu’ils ont diffusé le christianisme qui a transformé le monde ? A nous d’être aujourd’hui, ces “premiers chrétiens” ; comme eux, nous sommes appelés à nous pardonner, à nous regarder sans cesse d’un regard nouveau, à nous aider réciproquement ; en un mot, à nous aimer avec la même intensité avec laquelle Jésus nous a aimés, sûrs que sa présence au milieu de nous a la force d’en entraîner beaucoup d’autres dans la logique divine de l’amour. Fabio Ciardi

Parole de vie Septembre 2015

C’est une de ces paroles de l’Évangile à vivre sans attendre. Très claire mais exigeante à la fois, elle requiert peu de commentaires. Pour saisir la force qu’elle contient, replaçons-la dans son contexte. Un scribe, donc expert de la Bible, interroge Jésus : Quel est le plus grand commandement ? Question restant ouverte depuis l’identification dans les Livres Saints de 613 préceptes à observer. Quelques années auparavant, Rabbi Shammaj, un des grands maîtres, s’était refusé à indiquer le commandement suprême. D’autres, cependant, comme le fera Jésus, s’étaient orientés sur l’amour comme point central. Rabbi Hillel, par exemple, affirmait : « Ne fais pas à ton prochain tout ce qui est odieux pour toi ; en cela réside toute la loi. Le reste n’est qu’explication ». Jésus, lui, reprend l’enseignement sur le caractère central de l’amour, mais il unit également en un seul commandement, l’amour de Dieu (Dt 6, 4) et l’amour du prochain ( Lv 19, 18). De fait, la réponse qu’il donne au scribe est : « Le premier (commandement), c’est : Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là ». « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » Cette seconde partie de l’unique commandement est l’expression de la première : l’amour de Dieu. Dieu aime tellement chacune de ses créatures que, pour Lui donner de la joie, pour Lui manifester notre amour pour Lui, le meilleur moyen est d’être envers tous expression de Son amour. De même que des parents se réjouissent de constater l’entente, l’entraide, l’unité entre leurs enfants, ainsi Dieu, qui est envers nous comme un père et une mère, est heureux de nous voir aimer le prochain comme nous-mêmes, contribuant ainsi à construire l’unité de la famille humaine. Depuis des siècles, les Prophètes expliquaient au peuple d’Israël que Dieu veut l’amour et non les sacrifices et les holocaustes (Osée 6,6). Jésus lui-même rappelle leur enseignement lorsqu’il affirme : « Allez apprendre ce que veut dire : C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice » (Mt 9,13). En effet, comment peut-on aimer Dieu qu’on ne voit pas, si on n’aime pas le frère qu’on voit ? (1 Jn 4, 20). Nous L’aimons, nous Le servons, nous L’honorons, dans la mesure où nous aimons, servons, honorons chaque personne, amie ou inconnue, de notre peuple ou d’un autre peuple, et surtout les plus « petits », les plus nécessiteux . C’est l’invitation – adressée aux chrétiens de tous les temps – à transformer le culte en vie, à sortir des églises où l’on a adoré, aimé, loué Dieu, pour aller à la rencontre des autres, de façon à réaliser ce que nous avons appris dans la prière et dans la communion avec Dieu. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » Alors, comment vivre ce commandement du Seigneur ? Rappelons-nous avant tout qu’il fait partie d’un diptyque qui comprend aussi l’amour de Dieu. Il faut du temps pour comprendre ce qu’est l’amour et comment aimer… il nous faut donc prendre des moments de prière, de “contemplation”, de dialogue avec Dieu : et Lui, qui est Amour, nous l’apprend. On ne vole pas de temps au prochain quand on est avec Dieu, au contraire, on se prépare à aimer de façon toujours plus généreuse et comme l’autre le requiert. Et lorsque nous revenons vers Dieu après avoir aimé les autres, notre prière est plus authentique, plus vraie, peuplée de toutes les personnes rencontrées, que nous Lui portons. Pour aimer le prochain comme soi-même, il faut aussi le connaître comme on se connaît soi-même. Il nous faudrait aimer l’autre comme il le voudrait et non comme il nous plaît de le faire ! De nos jours, nos sociétés deviennent de plus en plus multiculturelles par la présence de personnes venant de mondes très divers, d’où un défi encore plus grand. Celui qui s’établit dans un nouveau pays doit appendre à en connaître les traditions et les valeurs ; c’est le seul moyen pour comprendre et aimer ses habitants. Il en est de même pour ceux qui accueillent les nouveaux immigrés, souvent dépaysés, ignorant la langue et en difficultés d’insertion. Et même entre personnes de même culture, à l’intérieur d’une famille, d’un milieu de travail ou de voisinage, que de diversités ! Nous souhaiterions parfois trouver une personne disponible, prête à nous écouter, à nous aider à trouver un travail, à préparer un examen, à nous donner un coup de main pour la maison… L’autre a peut-être les mêmes exigences…Cherchons-nous à les deviner, en étant attentifs, dans une attitude d’écoute sincère, en essayant de nous mettre à sa place ? La qualité de l’amour compte aussi. Dans son célèbre hymne à la charité, l’apôtre Paul en énumère plusieurs caractéristiques importantes à rappeler : «l’amour prend patience, l‘amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout». (1 Co 13,4,7). Que d’occasions et que de nuances pour vivre : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » Il existe aussi cette norme de l’existence à la base de la célèbre “règle d’or” présente dans toutes les religions et chez certains intellectuels reconnus, sans référence religieuse explicite. A l’origine de chaque tradition culturelle ou du credo de chacun, on pourrait trouver des invitations analogues à aimer le prochain et à nous aider à les vivre ensemble. Et cela, que nous soyons hindouistes, musulmans, bouddhistes, fidèles des religions traditionnelles, chrétiens ou tout simplement hommes et femmes de bonne volonté. Travaillons ensemble en vue de créer une nouvelle mentalité qui valorise et respecte la personne, soucieuse des minorités, porte attention aux plus faibles, et nous décentre de nos propres intérêts, pour donner la priorité à ceux de l’autre. Si nous étions tous vraiment conscients qu’il nous faut aimer le prochain comme nous-mêmes, au point de ne pas faire à l’autre ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse, conscients de devoir faire à l’autre ce que nous voudrions que l’autre fasse pour nous, alors les guerres cesseraient, la corruption disparaîtrait, la fraternité universelle ne serait plus une utopie et la civilisation de l’amour deviendrait bientôt une réalité. Fabio Ciardi

Parole de vie, Août 2015

Lisons la phrase d’où est tirée cette parole qui va nous accompagner durant tout ce mois : « Imitez Dieu, puisque vous êtes des enfants qu’il aime ; suivez la voie de l’amour, à l’exemple du Christ qui nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime, comme un parfum d’agréable odeur ». Toute l’éthique chrétienne est contenue dans ce : “suivez la voie de l’amour”. L’action humaine – comme Dieu l’a pensée quand il nous a créés : une vie authentiquement humaine – doit être animée par l’amour. Pour atteindre son but, le cheminement – image de la vie – suivre la voie, doit être guidé par l’amour, résumé de toute la loi. L’apôtre Paul s’adresse aux chrétiens d’Éphèse, en conclusion et synthèse de ce qu’il vient de leur écrire sur la manière de vivre en chrétien : passer du “vieil homme” à “l’homme nouveau”, être vrais et sincères les uns avec les autres, ne pas voler, savoir pardonner, faire des œuvres de bien… en un mot “suivre la voie de l’amour”. Paul est convaincu que chacun de nos comportements doit se conformer à celui de Dieu. Si l’amour est le signe distinctif de Dieu, il doit l’être aussi de ses enfants qui doivent l’imiter en cela. Cependant, comment pouvons-nous connaître l’amour de Dieu ? Pour Paul, c’est très clair : il se révèle en Jésus qui montre comment et combien Dieu aime. L’apôtre l’a vécu personnellement : il « m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga, 2,20), et maintenant, il le révèle à tous pour que toute la communauté puisse en faire l’expérience. « Suivez la voie de l’amour » Et quelle est la mesure de l’amour de Jésus à laquelle conformer la nôtre ? Nous le savons, cet amour sans limites ne connaît ni exclusions, ni préférences de personnes. Jésus est mort pour tous, même pour ses ennemis, pour ceux qui le crucifiaient. Cet amour est comme celui du Père qui, dans son amour universel, fait briller son soleil et tomber la pluie sur tous les hommes, bons ou méchants, justes ou pécheurs. Il a su prendre soin avec prédilection des petits et des pauvres, des malades et des exclus ; il a aimé avec intensité ses amis ; il a été particulièrement proche de ses disciples… Dans son amour il ne s’est pas épargné, allant même jusqu’à donner sa vie. Et maintenant, Jésus nous appelle tous à partager ce même amour, à aimer comme lui-même a aimé. Cet appel peut évidemment nous faire peur car trop exigeant. Comment pouvons-nous imiter Dieu qui aime tous les hommes, toujours et en premier ? Comment aimer avec la mesure de l’amour de Jésus ? Comment être “dans l’amour”, comme la parole de vie nous le demande ? Cela nécessite d’avoir d’abord nous-mêmes fait l’expérience d’être aimés. Dans la phrase « vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés », le comme peut se traduire aussi par parce que. « Suivez la voie de l’amour » Suivre la voie de l’amour signifie laisser l’amour inspirer et animer chacune de nos actions. Ce n’est peut-être pas par hasard que Paul utilise cette parole dynamique pour nous rappeler qu’aimer s’apprend, que tout un chemin reste à parcourir pour atteindre la largesse du cœur de Dieu. Il utilise aussi d’autres images pour souligner la nécessité d’un progrès constant, telles que la croissance d’un nouveau-né qui mène à l’âge adulte (1 Co, 3, 1-2), la croissance d’une plantation, la construction d’un édifice, la compétition dans le stade pour s’emparer du premier prix (1 Co 9, 24). Nous ne sommes jamais ‘arrivés’. Il faut du temps et de la constance pour atteindre le but, sans céder face aux difficultés, sans se laisser décourager par les échecs et les erreurs, toujours prêts à recommencer à aimer, sans se résigner à la médiocrité. Augustin d’Hippone écrivait à ce propos, en pensant peut-être à sa propre recherche tourmentée : « Si tu veux parvenir à ce que tu n’es pas encore, considère comme déplaisant ce que tu es. En effet, quand tu te sens bien, tu t’arrêtes ; s’il t’arrive de dire : “c’est assez !” tu t’enfonces. Augmente et progresse toujours ; garde-toi de t’arrêter, ne te retourne pas, ne dévie pas. Celui qui n’avance pas recule ». (Sermon 169) « Suivez la voie de l’amour » Comment avancer plus rapidement dans ce chemin de l’amour ? Puisque cette invitation – suivez la voie – est adressée à toute la communauté, il sera utile de s’aider réciproquement. Il est en effet triste et difficile d’entreprendre un voyage tout seul. Nous pourrions commencer en nous redisant entre nous – amis, parents, membres de la même communauté chrétienne…- notre volonté de cheminer ensemble. Nous pourrions partager les expériences positives sur la façon dont nous avons aimé, afin de nous enrichir mutuellement. À qui peut nous comprendre, nous pouvons aussi confier les erreurs commises et les déviations de notre cheminement, afin de nous en corriger. La prière en commun pourra aussi nous donner lumière et force pour avancer. Ainsi, unis entre nous et avec la présence de Jésus au milieu de nous – lui, la Voie ! – nous pourrons parcourir jusqu’au bout notre “saint voyage” : nous sèmerons de l’amour autour de nous et nous atteindrons notre but : l’Amour. Fabio Ciardi